Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 83.djvu/428

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’était devenue l’armée du prince Menehikof ; on supposait probablement qu’elle se réorganisait à l’abri des forts de la ville. Or il advint par un singulier hasard que cette armée était sortie la veille de Sébastopol par la route qui conduit à Siniphéropol. L’avant-garde de l’armée anglaise, que lord Raglan conduisait en personne, tomba à l’improviste sur l’arrière-garde de Menehikof. Celui-ci, quoi aurait, du connaître le pays à merveille, qui avait d’ailleurs assez de cosaques pour s’éclairer, ne soupçonna pas la marche que ses ennemis étaient en train d’exécuter. S’il avait ramené en arrière une partie de ses troupes et qu’il eût chargé avec vigueur, il surprenait les alliés dans le désordre inévitable d’une opération hasardeuse. Il me ; les aurait pas détruits, il est vrai ; il aurait pu du moins leur faire beaucoup de prisonniers, jeter le trouble dans leurs rangs et peut-être même les couper en deux, ce qui, en l’absence de la Hotte, eût bien compromis la situation.

Enfin le 27 septembre cette marche imprudente était accomplie. Les Anglais s’étaient remis à Balaclava en communication avec leur flotte ; les Français campaient sur le plateau de la Chersonèse et se ravitaillaient par la rade de Kamiesch. On sait maintenant en quelle perplexité se trouvaient les défenseurs de la ville, que Menehikof avait abandonnés depuis deux jours, quelles craintes ils éprouvaient à la pensée qu’une attaque était imminente. Quand on connaît l’état dans lequel Sébastopol se trouvait à cette époque, on se demande quelle cause empêchait les alliés de saisir par un coup de main hardi la proie qu’ils convoitaient. Dans le camp des alliés, on délibérait ; on se demandait ce qui était préférable de donner l’assaut immédiat ou d’entreprendre le siège de la place.. Sir Edmund Lyons. Pressait vivement lord Raglan d’attaquer sans plus de retard. Sir John Burgoyne déclarait au contraire qu’il était plus sage de faire un siège régulier. Donner l’assaut, avant d’avoir éteint les batteries ennemies au moyen des grosses pièces d’artillerie, c’était, au dire de ce dernier, s’exposer aux risques les plus graves. D’abord on courait le danger d’être pris à revers par l’armée de secours du prince Menchikof et jeté à la mer ; puis, à lancer les troupes sur un terrain nu que balayait le feu de la place, on était presque sûr de perdre 500 hommes avant d’arriver au pied des batteries russes. Or les généraux alliés ne croyaient pas alors que la prise de Sébastopol dût s’acheter par un si grand sacrifice. Enfin ils s’exagéraient encore la force de résistance que la ville pouvait leur opposer, ce qui était à coup sûr la plus excusable de leurs erreurs, puisqu’ils n’avaient aucun moyen sûr d’être exactement renseignés sur ce qui se passait du côté de l’ennemi.

Saisit-Arnaud, vaincu par la maladie, venait de s’embarquer pour retourner à Constantinople. Investi de la veille du commandement