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UN MOIS DEVANT SEBASTOPOL. Ait) les travaux de siège. Il n’était pas resté inactif lorsque la paix fut rétablie, car il avait été des expéditions de la Nouvelle-Orléans et du Portugal en 1827. C’était un maître dans l’art de l’ingénieur ; quoiqu’il eût été rarement heureux dans les opérations auxquelles il avait pris une part décisive, sa réputation n’en avait pas souffert. Homme ardent et résolu, il voyait clair et raisonnait juste, personne ne doutait qu’il n’eût supporté avec avantage le lourd fardeau d’un commandement en chef ; mais, l’aîné de lord Raglan, lui aussi il était appesanti par les années.

A la tête de la flotte se trouvait l’amiral Dundas, encore un vieillard, investi d’un commandement indépendant de celui que lord Raglan exerçait sur les troupes de terre. Retiré du service actif depuis plus de vingt ans, il avait consacré aux luttes parlementaires les dernières années de sa vie. Entre Dundas et Raglan, les souvenirs de la vie politique élevaient une barrière que les soucis quotidiens d’un danger commun ne pouvaient abaisser. Le premier était whig, comme lord Melbourne, qui avait été son chef au ministère ; le second était tory, comme le duc de Wellington, dont il avait été l’ami et le confident. Le contre-amiral, sir Edmund Lyons, était l’un des vainqueurs de Navarin ; mais depuis 1835 il avait quitté la marine pour la diplomatie. Longtemps ambassadeur à Athènes, lorsqu’il fut rappelé au service sur l’escadre de la Méditerranée, à l’âge de soixante-quatre ans, il se recommandait plutôt par une connaissance approfondie de la question d’Orient que par l’éclat de ses campagnes militaires, que le temps avait un peu effacé. Une intime amitié et la communauté des idées politiques le rapprochaient du général en chef. Lord Raglan discutait familièrement avec sir Edmund Lyons les événemens de la guerre, tandis qu’il n’avait avec Dundas que de rares et cérémonieuses entrevues. En réalité pourtant, c’était Dundas et non Lyons qui exerçait le commandement suprême sur la flotte.

Les généraux divisionnaires ne se distinguaient guère de ceux dont il vient d’être question, si ce n’est par une moindre notoriété. Le général Airey, chef d’état-major général, n’avait jamais fait campagne ; un peu plus jeune que les précédens, il avait reçu sa première commission d’enseigne en 1821 ; toute sa carrière s’était écoulée au milieu des devoirs monotones de la vie de garnison, sauf quatre on cinq années pendant lesquelles il avait été colon au Canada. D’autres, sir de Lacy Evans, sir George Brown, sir George Cathcart, étaient des soldats des guerres du premier empire, des élèves de Wellington, comme tous ces vieux militaires aimaient à s’entendre appeler. Le seul homme jeune était le duc de Cambridge, cousin de la reine, homme de talent sans contredit, mais parvenu par la faveur royale plutôt que par les services rendus. Le seul