24 avril. — Lord Cowper est venu ce matin s’asseoir à mon chevet. — Chère enfant, m’a-t-il dit, vous devez être la première initiée à tous mes secrets. Je m’étais décidé, suivant en ceci votre inspiration, à reprendre un poste officiel, ne fût-ce que pour montrer que cette réconciliation du père et du fils, bien que je n’en aie pas été l’auteur, me parait en elle-même une chose conforme à l’intérêt public. J’aurais donc accepté la place de mon digne ami Kingston[1], et ce n’eût été que la juste récompense de ses honteux procédés à mon égard ; mais, pesant plus mûrement toute chose, il me semble que, sauf une seule (cette brouille de la famille royale), toutes les raisons subsistent qui m’avaient déterminé à la retraite. Je me fais vieux, ma santé devient délicate, je suis assez riche, et je n’entends plus me rendre esclave d’aucun pouvoir ici-bas. A cinquante-cinq ans, il est temps de donner quelque loisir à sa vie. Mes infirmités ne me permettent plus de continuer la lutte avec les sots et les coquins, et je trouverai dans le repos plus de bonheur qu’ils ne m’en pourraient donner, dussent-ils employer toute leur influence en ma faveur.
J’essayai de combattre cette résolution. — Ne va-t-on pas dire que vous boudez parce que vous n’avez pas été l’agent principal de la combinaison qui rapproche le roi de l’héritier présomptif ? — J’y ai songé, m’a-t-il répondu ; mais je supporterai les interprétations les plus malveillantes afin d’assurer ma tranquillité. Telle est ma ferme décision, qui ne comporte plus de conseils à prendre ; je n’en prouverai pas moins que je n’obéis pas à une inspiration de mauvaise humeur, car je compte réclamer la clé qui vous a été promise[2]. De plus j’accepterai, si on me l’offre, de siéger avec les membres du cabinet ; mais je ne veux ni office ni pension. J’entends vivre en citoyen libre de la vieille Angleterre, et ne laisser à personne la moindre prise sur moi…
Suivant un cérémonial arrêté d’avance, les whigs du dernier ministère se sont réunis à Devonshire-house pour aller en corps chez le roi, auquel le duc de Devonshire a lu un petit discours (car le ciel, qui l’a fait galant homme, oublia de lui départir les facultés de l’orateur). Sa majesté a répondu par quelques paroles dont personne n’a pu me donner la moindre nouvelle. On croit qu’il se félicitait de voir unis les membres du parti politique dont le maintien aux affaires lui paraît une condition essentielle de la prospérité nationale.
En tiers avec la princesse et moi, le prince se montre tout fier de n’avoir point abandonné ses amis. — Argyle, dit-il, verra bien que