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maintenant il se propose d’en venir là, et prétend que l’intervention de cette favorite serait tout à fait décisive. — Elle est, dit-il, aussi reine d’Angleterre que pas une ne l’a été jusqu’ici. Par elle, je puis obtenir bien des choses. — Lord Cowper l’a prémuni contre telle ou telle éclatante duperie, qui les exposerait tous deux à la risée publique. — Prenez garde aussi, lui a-t-il dit, que vous entreprenez indirectement sur les libertés publiques en demandant un vote de subsides pour la liste civile. A quoi sert effectivement d’en établir une, si on peut, en dehors d’elle, contracter des dettes et les faire acquitter par la nation ? — Comme vous dites, a bégayé Walpole, cela n’a rien de régulier. — Certainement non, a repris mon mari ; mais en somme c’est à vous d’y regarder, messieurs des communes, à vous et non pas à la chambre des lords, qui sous ce rapport ne saurait encourir aucun blâme.

Le prince a dit à lord Cowper : — Si mes amis et moi ne trouvons pas bon accueil à Saint-James, on ne m’y verra pas plus d’une fois le mois, et je les laisserai s’arranger entre eux. — Notez qu’ils ne demandent pas autre chose à Saint-James.

Le ministère fait peur au prince en lui donnant pour certain que les tories sont disposés à voter toutes les mesures qui pourraient l’atteindre personnellement, et que le speaker, de concert avec eux, pousserait à l’adoption de toutes les rigueurs que la cour serait disposée à promouvoir. Dans une telle passe, ne vaut-il pas mieux avoir le cabinet pour soi que contre soi ?

Walpole travaille activement à détruire le crédit de M. de Bernstorff. Il a prouvé au roi que ce favori s’était rendu acquéreur à cinquante pour cent de perte des bons délivrés pour le paiement des troupes étrangères. Quant au surplus, il en a été disposé de telle façon que les véritables créanciers, les pauvres soldats allemands, y ont à peine touché. — Maintenant, ajoute mylord, je me ferai fort d’établir que Walpole a trafiqué dans des affaires de même ordre sur une bien autre échelle que Bernstorff ne s’y risquera jamais.

Walpole a si bien accaparé la princesse qu’elle est sourde à tous autres conseils que ceux de cet habile homme. Il a monta la tête au prince contre les spéculations de la Mer du Sud, que son altesse favorisait assez dans le début, et contre lesquelles il tonne maintenant, ainsi que tous ses amis[1]. En revanche, ni Walpole ni Townshend n’osent entamer lord Sunderland, bien qu’ils aient eu plusieurs bonnes occasions d’en venir là. Walpole de plus, parfaitement au courant de ce qui se passait, ainsi du reste que la

  1. On verra plus bas Walpole engager le prince 4c Galles dans ces mêmes spéculations, d’abord honnies, puis patronnées par le versatile et audacieux ministre.