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réconciliation entre le roi et l’héritier présomptif. Le roi n’admet de conditions ni d’une part ni de l’autre. Peut-être rendra-t-on ses enfans à la princesse de Galles. Le prince écrira au roi et reviendra s’établir à Saint-James ; moyennant ce, lord Sunderland se fait fort d’obtenir du parlement six cent mille livres sterling pour éteindre les dettes de la liste civile. Le moment est bon pour le prince de Galles, s’il veut obtenir un marché avantageux et vendre ses rancunes filiales un peu cher. Lord et lady Cowper se préoccupent avant toutes choses de sauvegarder l’honneur de leurs altesses royales. Lady Cowper insiste sans relâche pour que la princesse revendique énergiquement ses droits maternels. Elle ne doit à aucun prix les abdiquer, à aucun prix laisser ses filles dans les mains à qui elles ont été confiées. Si elle cède, elle perdra tout renom de mère tendre et courageuse, elle n’aura plus un ami respectable. La princesse, qui n’aime pas les partis trop décisifs, est dans les angoisses, et, ne sachant que répondre, se fie tantôt aux conseils de lord Cowper, tantôt aux argumens de Walpole. Le prince hésite aussi. Un jour il promet d’écrire au roi, le lendemain il ne veut plus décidément donner ce triomphe à ses ennemis, ni surtout, on le voit, rentrer à Saint-James…


12 avril. — La princesse ne fait que pleurer, et se figure qu’elle est trahie par tout le monde. On la berce de promesses qu’elle croit vaines et de propos à chaque moment contredits ou par l’événement ou par d’autres paroles inconciliables avec les premières. — Je vois bien, me dit-elle, comment va le train des choses. C’est sur moi que tout finira par retomber, et je n’ai aucun moyen de m’y soustraire. Je puis dire que, depuis l’heure de ma naissance, je n’ai pas eu un jour qui ne m’ait apporté quelque douleur… Elle ajoute que le prince entend soumettre à lord Cowper la lettre qu’on exige de lui ; en sa qualité de jurisconsulte, mylord devra veiller à ce que cette lettre ne lie en rien les mains de son altesse. — Jamais, continue-t-elle, le roi ne voudra entendre à la retraite de lady Portland. Walpole m’en a parlé cependant comme d’une chose qui se fera infailliblement d’ici à quelques jours ; mais il y faut de l’adresse, car le roi devient inexorable pour peu qu’on s’avise de lui rompre en visière. J’ai dit à Walpole que ceci n’était point une plaisanterie, et que je les fatiguerais en tout lieu et à toute heure de mes légitimes plaintes, si on ne me rendait pas mes enfans.

Walpole a dit à mylord qu’il n’avait point voulu recourir à la duchesse de Kendal[1] avant que les choses ne fussent plus avancées ;

  1. Nouveau titre conféré à Mlle de Schulenburg, déjà duchesse de Munster.