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changea d’aspect. On ne parla plus que dans les termes les plus rassurans des bons soins, des favorables symptômes qui devaient faire compter sur une heureuse issue. Il n’y eut pas jusqu’à lord Townshend lui-même qui, pour se faire de fête et se montrer bon serviteur, venant à rencontrer la sage-femme dans une antichambre, courut lui prendre la main, la lui secoua cordialement, et, après ce bel exorde, demeura muet vis-à-vis d’elle, car il ne sait pas un mot d’allemand, à lui adresser toute sorte de grimaces plus affectueuses les unes que les autres. Voilà le suprême de la politique et le grand art de faire sa cour !

Notre pauvre princesse ne s’en trouva pas beaucoup plus vaillante. Ses souffrances, ses langueurs, continuèrent jusqu’au vendredi soir, où elle mit au monde un prince défunt…


II

Le Journal de lady Cowper, ainsi que nous l’avons déjà mentionné, s’interrompt brusquement à cette date de novembre 1716, et reprend seulement le 9 avril 1720. Dans l’intervalle, bien des événemens avaient modifié l’état des choses publiques et la situation personnelle des divers acteurs que nous venons de voir à l’œuvre. Le schisme de l’administration whig avait rejeté dans l’opposition Townshend et Walpole, ce dernier n’ayant pas voulu accepter patiemment la disgrâce qui était venue frapper son beau-frère. Stanhope, créé pair et virtuellement premier ministre, avait victorieusement lutté, d’accord avec la France, contre les ambitieuses tentatives d’Alberoni, qui, secondé par l’aventureux Charles XII, ne rêvait rien moins qu’une seconde restauration des Stuarts. En 1718, peu après qu’Addison se fut volontairement retiré, lord Cowper, renonçant à sa grande position judiciaire et politique, avait reçu le titre de comte, et le duc de Shrewsbury était mort. L’assassinat imprévu de Charles XII, l’avortement de la conspiration ourdie en France par le duc et la duchesse du Maine, la misérable tentative du prétendant en 1719, la disgrâce d’Alberoni, due aux efforts combinés de la diplomatie anglaise et française, nous mènent aux premiers jours de l’année suivante, qui fut inaugurée par le retour de Townshend et de Walpole dans le sein de l’administration whig. Ils lui avaient livré sans le moindre scrupule de terribles assauts. Walpole surtout, vaincu dans sa résistance au bill de tolérance (repeal of the schism act), venait de prendre une éclatante revanche en faisant rejeter une mesure qu’il aurait dû appuyer de toute son éloquence, puisqu’elle tendait à restreindre, en ce qui concernait la création de nouvelles pairies, la prérogative royale. En haine de son fils,