Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 83.djvu/311

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Walpole sera mis de côté ; lord Carnarvon le remplacera. (Il se vante d’avoir refusé en disant que ces changemens de personnes font présager quelque immonde besogne, et qu’il n’est point assez pauvre pour s’en charger.) Au chancelier, trop peu accommodant, on devait substituer M. Vernon ; mais, toute réflexion faite, M. Lechmere a paru le seul personnage en état de gouverner Westminster-Hall. Le vrai, c’est que, jaloux de la grande réputation de mylord, ses collègues (sans en prévenir M. de Bernstorff) songeaient à le remplacer par le lord-chief-justice Parker. Pendant que s’agitaient ces diverses combinaisons, je ne bougeais guère du logis, et j’y avais fort à faire pour empêcher mon mari de se démettre. Trois semaines au moins s’écoulèrent avant que je l’eusse décidé à ne pas abandonner la partie.

Ce plan, dont beaucoup de détails m’échappent, mit naturellement la ville en rumeur, et surtout lorsque lord Sunderland obtint congé de se rendre en Hanovre auprès du roi. Ce fut justement à ce moment que le prince alla occuper la résidence royale de Hampton-Court, où il vécut tout l’été dans une splendeur inaccoutumée. Mylord Townshend et sa famille y étaient, pour ainsi dire, à demeure, M. Methuen deux fois la semaine, le chancelier une fois seulement. Le comte Bothmar n’en bougeait pas. Le roi l’avait laissé ici pour maintenir l’ordre en toute chose et rendre le compte le plus minutieux de tout ce qui se faisait. Le prince fort heureusement ne donnait aucune prise aux mauvais rapports.

Après le départ de lord Sunderland, les faiseurs de plans se crurent plus près que jamais d’arriver à leurs fins. L’opinion en revanche pronostiqua l’avènement des tories, résultat inévitable des divisions intestines qui minaient le grand parti whig. On supposait d’ailleurs au duc de Marlborough des combinaisons bien plus compliquées, bien autrement ténébreuses que celles dont il laissait percer quelques vagues desseins. Son état de paralysie, qui allait s’aggravant, fut le plus terrible coup porté à ces obscurs projets. Sa vie était en danger ; on le sauva cependant, mais il ne recouvra tout entières ni la parole, ni l’intelligence. A Bath, où il passa tout l’été, les artisans d’intrigue se pressaient pourtant autour de lui, car, s’il n’avait plus de conseils à leur donner, encore voulaient-ils user de son nom et de sa bourse, que la duchesse administrait pour lui, et avec des visées d’ambition encore plus hautes. Lord Sunderland alla deux ou trois fois prendre les instructions de sa belle-mère avant de partir pour le continent, et il n’était question à Bath que des grandes choses en voie de s’accomplir aussitôt après le retour du roi.

A Hampton-Court, on dormait sur la foi des traités. La maladie