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me dire que tout s’arrange, puis il court chez la princesse, que le détail des nouvelles comble de joie.

27 juin. — Encore Bernstorff. Il parle de paix, et va chez la princesse. Colère du prince.

28 juin. — D’autres restrictions sont mises sur le tapis. Je vais chez mistress Clayton. On y parle d’une brouille nouvelle. Le roi est décidément irrité. Il insiste sur ce que le prince doit être humilié ; il veut le séparer du duc d’Argyle, de lord Islay, etc. Si son altesse n’accepte pas ces conditions, le roi déclare qu’il enverra chercher le D. E.[1] pour le faire gardien du royaume et duc d’York. Que ne prend-on mon avis sur tout cela ? Ils sont plus insensés les uns que les autres, et, chacun ne songeant qu’à ses vues particulières, ils finiront par tout ruiner.

Je trouve dans l’appartement des petites princesses leur mère absolument déchaînée. De là, chez lady Essex Robartes. Mlle Schutz y prêche à qui veut l’écouter l’obéissance filiale. J’essaie de gagner lord Townshend à nos idées. Le prince déclare qu’il n’abandonnera point Argyle. Je m’efforce de l’apaiser. Il est dans une véritable angoisse, et me serre la main à plusieurs reprises. On va par son ordre chercher lord Townshend, pour qui je lui ai demandé quelques bonnes paroles. Il est question d’un défi porté à lord Cadogan[2] par le duc d’Argyle. A aucun prix, le prince ne veut se séparer de ce dernier. Son altesse a écrit au roi.

3 juillet. — Les lords Townshend et Sunderland sont chez le prince, criant, protestant à qui mieux mieux, déclarant qu’ils se savent à tout jamais perdus, etc. On apporte la réponse du roi, et j’en prends copie[3]. La princesse croit y reconnaître le style de Robethon. En s’y prenant avec adresse, on pourrait certainement acheter un

  1. Son frère, le duc Ernest-Auguste, qui depuis fut en effet duc d’York, mais qui jusque-là n’avait pas encore quitté le Hanovre.
  2. Diplomate et militaire de premier ordre. Il a sa sépulture, à Westminster-Abbey.
  3. Citons les passages les plus significatifs de cette curieuse semonce. — « La première lettre que je reçois de votre part, mon fils, est sur des sujets aussi peu dignes de vous que de moi. A l’égard du duc d’Argyle, j’ai eu de bonnes raisons pour faire ce que j’ai fait ; mais je ne sais ce qui vous est le moins avantageux, d’avoir été induit par lui ou par d’autres à faire le pas que vous venez de faire, ou d’y avoir été porté par votre propre mouvement. Vous aurez de la peine à redresser cette démarche dans le public. Quand on en risque de pareilles, on n’est pas en droit d’accuser mes ministres de me faire des rapports désavantageux, et c’est le monde renversé quand le fils veut prescrire au père quel pouvoir ce dernier lui doit donner ; ce n’est pas non plus un motif de mettre le destin de mes ministres et autres serviteurs à la merci de votre modération. Il ne parait pas non plus, à la conduite que vous avez tenue pendant les séances du parlement, que vous ayez si peu de friandise, comme vous le dites, pour le gouvernement, vous mêlant de choses qui ne vous regardaient pas, et ne vous empêchaient pas de pouvoir être tranquille. Je voudrais savoir quel droit vous aviez de faire des messages, à la chambre contre mon intention… Est-ce à vous de mettre des clauses aux dons que je fais au public ? Vous dites à cette occasion que vous avez voulu soutenir l’autorité royale ; mais qui vous en avait donné le soin ? Vous conviendrez que, quand on n’est pas responsable ni chargé d’une chose, on ne doit pas s’en mêler.
    « Il s’agit présentement du duc d’Argyle, lequel, malgré ce que j’ai été obligé de faire à son sujet, vous voulez soutenir et garder à votre service, montrant par là votre opposition à mes sentimens. En même temps vous assujettissez à votre caprice le retardement du voyage que j’ai le dessein de faire. Je demande que vous mettiez fin à tout cela, et que vous satisfassiez aux propositions que M. de Bernstorff vous a faites de ma part. Vous empêcherez de cette manière les démarches que je serais indispensablement, et contre ma volonté, nécessité de faire pour soutenir mon autorité.
    « Voilà ce que j’ai à vous dire en réponse à votre lettre. Je souhaite que vous en profitiez, et vous mettiez en état de mériter mon amitié. » « GEORGB R. »