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d’une évidente opportunité, et que d’un autre côté la Prusse est une puissance toujours prête à se jouer d’une paix dont elle entend bien décliner les obligations après en avoir recueilli les avantages.

Puisque l’Autriche et la Prusse ne peuvent songer en ce moment à vider leur querelle par les armes, elles feraient mieux d’avoir une diplomatie moins tapageuse et de s’occuper un peu plus de leurs affaires intérieures, où il ne cesse pas d’y avoir plus d’un nuage. L’Autriche particulièrement est engagée dans une expérience de reconstitution qui est loin d’être arrivée à son terme. Tout ce qu’elle pouvait faire pour la Hongrie, elle l’a fait. Que va-t-elle décider maintenant pour la Bohême ? Un moment sérieux approche. Il va y avoir en Bohême des élections pour remplacer quatre-vingts députés de la diète qui se sont retirés de la dernière assemblée en déclarant qu’ils s’abstiendraient tant que les droits de leurs pays ne seraient pas reconnus, tant qu’on maintiendrait la loi électorale actuelle, qu’ils considéraient comme peu favorable à une vraie représentation nationale. Il est possible que tous les anciens députés ne soient pas nommés de nouveau, et il est fort présumable que le gouvernement s’efforcera d’empêcher ou de diminuer leur victoire. Que ferait-on cependant, s’ils étaient élus et s’ils quittaient encore une fois la diète en renouvelant leurs protestations ? Il est certain qu’il y a là toujours un problème épineux que l’Autriche est la première intéressée à ne pas laisser s’aggraver, qu’elle ne peut résoudre que par les plus larges, les plus libérales concessions. M. de Beust peut trouver là un aliment à son industrieuse activité. Quant à la Prusse elle-même, elle a certes encore fort à faire ; elle ne manque pas d’occupations sérieuses dans son œuvre multiple d’assimilation et d’unification. Ce n’est pas tout de vaincre par l’épée, il reste à compléter la victoire par la pacification et la réconciliation des provinces annexées, par la fusion législative des états qui composent la confédération du nord. Sans doute il y a désormais au-delà du Rhin un sentiment national assez vivace pour dominer les considérations secondaires et rapprocher les esprits, surtout si l’Allemagne était menacée, il ne faut pas croire cependant que la politique absorbante et fort peu libérale suivie par la Prusse ne soit point de nature à lui susciter des obstacles en rendant son hégémonie onéreuse. Il y en a en ce moment un exemple curieux. On vient de préparer pour la confédération du nord un code pénal qui doit s’appliquer naturellement à tous les états et qui maintient la peine de mort, même en matière politique. Il se trouve pourtant qu’un certain nombre de ces états, la Saxe, Oldenbourg, Brème, ont chassé la peine de mort de leurs codes. Il faudra donc que, pour la plus grande gloire de l’unité allemande et de l’hégémonie prussienne, ces états consentent à rétablir une peine qu’ils avaient abolie ! C’est là un étrange progrès qui n’est pas précisément de nature à populariser la domination prussienne. Il est très vrai que cette domination ne réussit pas à se faire aimer, et,