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il a inauguré le conseil-général du Var. Le gouvernement a fait son œuvre, c’est maintenant au pays de faire la sienne.

Au milieu de tout ce travail de réforme intérieure, la mort vient de prendre un homme qui était assurément une des forces du régime actuel et qui avait réussi à inspirer une singulière confiance par son énergique activité, par l’autorité de sa parole, c’est le maréchal Niel, le vigoureux ministre de la guerre qui a été le réorganisateur de notre armée. Le maréchal Niel a refait une force militaire à la France, non certes sans rencontrer de sérieuses objections, mais en désarmant toutes les défiances par son patriotisme et en captivant même les sympathies par sa mâle et familière éloquence. Il était appelé sans doute dans un temps prochain à un rôle politique. Il est remplacé au ministère de la guerre par le général Lebœuf, qui passe pour un homme d’intelligence et d’avenir. L’avenir, pour un soldat comme pour un politique, ne peut être que la liberté s’alliant à la grandeur nationale de la France.

Le progrès, c’est le but où tendent tous les efforts dans notre monde contemporain, c’est l’idéal qu’on poursuit à outrance. Ce progrès, à la vérité, il est entendu et pratiqué de bien des manières et il passe par d’étranges aventures ; il y a des momens où il ressemble à un déplacement d’intérêts précipité par les ambitieux et les utopistes encore plus qu’à la légitime victoire d’un principe moral supérieur. Il n’est pas moins certain que depuis vingt ans, dans les idées comme dans les faits, dans la vie intérieure de chaque nation comme dans les rapports des peuples entre eux, il y a un changement immense. Qui aurait dit, il y a vingt-cinq ans, que l’Autriche, l’immobile et théocratique Autriche, chercherait un jour son salut dans le libéralisme, et qu’elle en viendrait à être quelque peu en guerre avec ses évêques pour défendre les droits de l’état moderne, que l’Italie serait ce qu’elle est devenue, que la Russie elle-même sentirait le besoin de dérober ses violences et ses humanités contre tout un peuple sous l’apparence d’une grande œuvre de réformation intérieure ? Et cependant tout cela se voit, l’esprit de réforme pénètre partout, à chaque pas on se trouve en présence d’une multitude de choses nouvelles.

Les idées modernes, elles transforment la vieille et traditionnelle Angleterre elle-même, et l’abolition de l’église d’Irlande est certes une de ces choses nouvelles et imprévues qu’on n’aurait pas jugées possibles il y a vingt-cinq ans. Elle est cependant accomplie aujourd’hui. Il ne s’agit plus désormais pour l’église anglicane d’Irlande que d’entrer résolument dans la voie qui lui a été ouverte, de se constituer dans des conditions nouvelles de façon à exister comme corporation libre au moment où elle sera définitivement séparée de l’état, où elle devra être mise en possession des avantages matériels très convenables encore que le parlement a eu le soin de lui assurer. Déjà il y a eu, sous la présidence du primat d’Irlande, une conférence épiscopale, et on a décidé la convocation d’un synode général