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traités à l’indépendance du travail. Il est du devoir de la commission de convoquer dans le plus bref délai une assemblée générale statutaire pour qu’on sache enfin si la majorité veut l’état actuel ou la liberté. C’est là une grosse question constitutive, et qui doit être tranchée par un plébiscite. A tout prendre, le mieux serait de voter la dissolution pure et simple ; mais, comme il est écrit qu’en ce monde les institutions caduques ne tombent jamais, et que la force d’impulsion acquise rapidement dans le bien ne s’use dans le mal qu’avec une lenteur impitoyable, laissons vivre ce qui s’obstine à ne pas vouloir mourir ; cependant qu’on en finisse avec ces minuties, ces petites vexations, ces ingérences de toutes les heures qui nous feraient dire comme ce personnage de Molière dans le Médecin malgré lui : « Est-ce à vous d’y mettre le nez ? Mêlez-vous de vos affaires, c’est ma femme et non la vôtre. Je la veux battre si je veux, et ne la veux pas battre si je ne le veux pas ! » Qu’on mette surtout de côté les conventions léonines du genre de celles qu’on imposait au théâtre de l’Athénée et que subit encore l’Opéra-Comique, auquel le traité avec les auteurs dénie le droit, consenti par le cahier des charges, de représenter des traductions. La société possède environ 75,000 livres de rente, et ce n’est pas la manière dont les intérêts de cette fortune toujours accrue sont administrés qui mérite le moindre blâme, on pourrait souhaiter au contraire que la commission se montrât moins jalouse des beaux yeux de sa cassette. Il n’y a pas que des auteurs nécessiteux à pourvoir ici-bas, et cet argent qu’on exige des directeurs en paiement des ouvrages tombés dans le domaine public pourrait, ce semble, avoir un emploi plus désintéressé. Les scènes secondaires. ne possédant généralement pas de répertoire, les œuvres, tant littéraires que musicales, qui surnagent, les œuvres du domaine publie, ainsi qu’on les appelle, appartiennent à peu près toutes à des scènes subventionnées, l’Opéra, la Comédie-Française, l’Opéra-Comique, l’Odéon. Or ces droits du domaine public que les directeurs consentent à payer, ne serait-il pas beaucoup plus simple de les verser dans une caisse de l’état et de diminuer d’autant des subventions payées en somme par le public ? — Ce que tout le monde veut aujourd’hui, c’est la liberté. Ces règlemens, ces ingérences, cette pédagogie, blessent nos instincts. Il n’en faut plus. Assez de lisières, d’autorité ; ce qui s’impose du dehors nous offusque. Chacun prétend désormais vivre et faire à son gré, aller venir, se loger où bon lui semble. La liberté des théâtres amène forcément la liberté des transactions, et frappe de caducité un contrat, d’ailleurs entaché de privilège, qui protège les forts aux dépens des faibles, et ne saurait prévaloir davantage dans une société dont l’esprit ne peut être que démocratique.


F. DE LAGENEVAIS.