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Ressources d’un matériel immense. Les essais où ne peut cependant point se risquer l’Académie impériale trouveraient là leur vrai terrain aventureux. Les jeunes, les nouveaux, tiendraient la place ; il n’y en aurait guère que pour eux. Être inconnu vous compterait pour un bon point, et ce serait bien le diable si d’un semblable mouvement ne se dégageaient pas divers talens capables de remettre en crédit notre école française, fort dépenaillée, convenons-en ; il est vrai, si cela peut nous consoler, que l’Italie et l’Allemagne sont logées à la même enseigne.

Oui, les jeunes compositeurs se plaignent, oui, leurs réclamations ont le droit d’être écoutées ; mais, l’Opéra n’ayant ni le temps ni la charge de s’occuper d’eux exclusivement, et l’Opéra-Comique étant une scène de genre, je ne vois guère pour leur offrir le moyen de faire de la grande musique d’autre combinaison que celle que je propose. On me dira que la direction actuelle du Théâtre-Lyrique peut très bien suffire à ce programme, et qu’il n’est pas besoin d’aller chercher si loin. Je crois aux meilleures intentions ; mais les difficultés sautent aux yeux. D’abord la troupe est médiocre ; où sont les élémens de mise en scène, les moyens de satisfaire, sans se ruiner, aux dépenses d’une exécution musicale de premier ordre ? Ensuite le Théâtre-Lyrique, tel qu’il est constitué dans le présent, a son système, que je n’entends ni louer ni blâmer, mais qui donne une trop large part aux écoles étrangères pour pouvoir servir utilement les jeunes compositeurs. Je parcours la liste des ouvrages qui seront représentés cet hiver, et j’y vois, à côté d’une partition nouvelle de M. Joncières, la Bohémienne de M. Balfe et un Noé posthume d’Halévy. Maintenant, si à cette traduction et à cette exhumation vous ajoutez le Lohengrin de M. Wagner, je demande quelle place restera aux talens inconnus. Ce que nous voudrions, car leur cause nous intéresse sincèrement, c’est un théâtre franchement, librement consacré à leurs essais, qui, loin de faire la sourde oreille, de rechigner, irait au-devant de tous les efforts généreux, et mettrait à susciter les compositeurs la même force de volonté qu’on met souvent à les éconduire. Or, je le répète, un pareil théâtre ne saurait exister que dans des conditions particulières. Ce serait la vraie succursale de l’Opéra, desservie par tout un personnel éprouvé, si bien qu’on n’aurait même pas besoin de déranger de ses occupations le Théâtre-Lyrique, et qu’il suffirait pour réaliser cette idée de ne point livrer à la démolition la salle actuelle de la rue Le Peletier, si commode et d’un emploi si musical, un vrai stradivarius pour la sonorité.

Ce que sera l’acoustique dans l’autre, nul ne le peut prévoir, force nous est jusqu’à présent de nous en tenir aux dehors. Nous avons dit naguère à cette place notre opinion sur cet édifice, dernier mot d’une période qui se sera au demeurant moquée de tout. Si l’architecture a pour objet d’être de son temps, jamais un monument n’aura mieux