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récitatifs, changeant le dénoûment. Ces variantes, ainsi que le jeu de la nouvelle héroïne, ont, à ce qu’il paraît, fort réussi devant les rares intimes admis aux répétitions, lesquelles ont eu lieu, toujours par faveur spéciale, au Conservatoire, dans la petite salle des études. Le monde possédera de la sorte deux leçons du chef-d’œuvre de M. Thomas, qui pourrait bien ne pas s’en tenir là et transformer maintenant son Hamlet en opéra-comique. Quelle chance pourtant si, après avoir eu cet automne à Bade le grand Mignon, nous allions avoir cet hiver le petit Hamlet !

L’Opéra-Comique traverse une crise administrative, et nous attendrons pour parler de ce théâtre que tout y soit définitivement réorganisé. Un des deux anciens directeurs quitte la place qu’un nouveau-venu se prépare à occuper, et ce n’est point pendant ces interrègnes que les faits intéressans se produisent. Le nouveau-venu est un homme déjà formé au théâtre et à l’administration. Auteur d’ouvrages applaudis, aimant les vers et sachant les faire, ce qui ne gâte rien, M. du Locle arrive à l’Opéra-Comique avec la ferme résolution d’étendre et de hausser le genre. Il est toujours bon de tendre vers le mieux ; j’estime cependant qui on doit user en pareil cas de beaucoup de discréiion. Vouloir faire grand à l’Opéra-Comique serait se méprendre ; il y a là un genre établi, consacré par le temps et la tradition, un répertoire qui, habilement exploité, vous rend, à lui seul des richesses. Il est possible qu’un certain public goûte peu cette note, mais les gens qui l’aiment s’y entêtent furieusement, et ceux-là doivent être bien nombreux, si j’en juge par les recettes que produisent encore journellement la Dame blanche et le Pré aux Clercs. Un agréable régisseur, éconduisant un candidat quelconque, lui disait : « Si vous voulez faire de la musique, monsieur, il vous faut traverser le boulevard et vous adresser rue Drouot. Ici, nous n’en tenons pas. » Le plaisantin se trompait ; Fra Diavolo, Zampa. Mignon, sont des ouvrages d’une proportion musicale très suffisante, qu’on peut dépasser, mais point trop, et sans aller jusqu’à l’Étoile du Nord et jusqu’au Pardon de Ploërmel. Maintenir, restaurer, voilà le vrai plan ; il n’y a point à réagir contre un genre qui dans le présent a donné les partitions que je viens de nommer et dans le passé les Deux Journées de Cherubini et le Joseph de Méhul, le plus grand des musiciens français, de Méhul, dont le buste, soit dit en passant, ne figure qu’au dernier rang et tout à fait à l’écart dans ce capharnaüm du nouvel Opéra.

Un soin auquel l’administration qui se forme aura incontinent à pourvoir, c’est la réorganisation de la troupe. Du côté des hommes, tout va bien, et l’effort ne doit tendre qu’à empêcher les brèches de s’ouvrir. Que devient à ce propos l’incident Capoul ? Le retient-on malgré lui, fut-ce au prix d’un procès, ou le laissera-t on s’échapper pour six mois en Amérique sous la garde de M. Strakosch ? Si M. Capoul s’éloigne, à qui M. Auber confiera-t-il son Rêve d’amour ! Grave question, dont l’Europe