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prudente mère de famille lady Cowper arrange ainsi l’existence politique de son mari et l’avenir de leurs enfans, le lord-chancelier se rétablit, et tous ces projets de retraite s’en vont à vau-l’eau. Lady Cowper enregistre avec une joie bien sentie cet heureux changement, et reprend aussitôt un vif intérêt à la marche des affaires publiques.


19 février. — On a des nouvelles de Preston par les juges qui sont allés y procéder contre les rebelles. Ils représentent le pays comme très imbu de l’esprit jacobite. On ne croyait pas jusqu’au jour de l’exécution que le roi osât sévir. Il y a eu de tristes récriminations : des fils ont accusé leurs pères de les avoir entraînés, et M. Shafto, qui a été fusillé peu après la bataille, prétendait avoir été contraint par son fils à prendre les armes.

Lady Collingwood ayant écrit à un de ses amis, personnage fort influent, pour qu’il sollicitât la grâce de son mari, cet ami lui a répondu en ces termes, ou à peu de chose près : — Ayez-vous bien réfléchi à la requête que vous m’adressez ? Ignorez-vous donc que, si votre mari est pendu, vous aurez droit, comme provision de veuve, a un revenu de cinq cents livres, tandis que, si on lui accorde la vie, il ne vous restera pas un groat pour vivre tous les deux ? Pensez-y bien, et pesez votre réponse. Je ne ferai aucune démarche avant de l’avoir reçue. — La réponse, je ne sais comment, n’est pas arrivée en temps utile, et le malheureux qu’elle eût pu sauver est monté à la potence.


Cependant les intrigues de cour vont leur train. Le prince et la princesse de Galles luttent sourdement contre le ministère whig. lis se plaignent de Bernstorff, sur qui Townshend et Walpole exercent maintenant une influence toujours croissante, et qui les maintient dans la faveur royale envers et contre les tories. Or nous verrons à leur tour, par un revirement assez curieux, cette influence de Walpole ou de Townshend s’imposer à leurs altesses, sans que Bernstorff y soit pour rien, tout au contraire. En attendant, arrêtons nos regards sur ces dissentimens de famille qui devaient, éclatant quelques années plus tard, donner tant de tablature au cabinet présidé par Walpole, et tant de prise aux ennemis de la dynastie hanovrienne. Le journal de lady Cowper nous montrera plus d’une fois encore dans le détail ce jeu toujours intéressant des antagonismes politiques.


E.-D. FORGUES.