Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 83.djvu/178

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

beaucoup à acquérir pour être doués des vertus qui font les peuples libres.

Arrivés à la fin de cette étude des conditions d’un gouvernement libéral, nous nous trouvons en présence d’un sénatus-consulte qui va être discuté. Il contient les élémens essentiels de l’œuvre que nous allons reprendre à nouveau, celle de constituer définitivement la liberté dans notre pays. Il n’atteint pas complétement le but que nous avons signalé, mais il donne les moyens de l’atteindre. C’est à nous de nous en servir. L’initiative parlementaire restituée au corps législatif est l’arme la plus puissante pour conquérir jour par jour les autres franchises, pour accomplir les autres progrès, sans lesquels notre œuvre constitutionnelle ne serait pas digne de l’état de civilisation auquel la France est arrivée. Cette entreprise est grande, aussi grande qu’elle l’était quand elle fut abordée pour la première fois en 1789. Comme alors, peut-être plus qu’alors, nous avons besoin de foi dans notre force, nous avons besoin de croire à notre droit, de nous animer de cette émotion patriotique qui enflammait nos pères quand ils recherchaient avec tant d’ardeur et de sincérité les formes de gouvernement qui répondaient le mieux aux intérêts et à la dignité des peuples. Nous devons aussi ne pas méconnaître les leçons d’une expérience trop douloureusement acquise. Nous devons nous occuper à répandre partout les idées les plus conformes aux institutions que nous voulons donner à notre pays, y entretenir la vie politique en l’alimentant par la discussion, par les réunions publiques, par la presse et les associations, réveiller l’initiative individuelle, rappeler sans cesse aux citoyens qu’en même temps qu’ils exercent leurs droits ils ont des obligations à remplir, que, s’ils ont leur part légitime d’influence, ils ont aussi leur part de responsabilité dans les destinées de la patrie, que le moment n’est plus où ils pouvaient dans un silencieux égoïsme s’en prendre au gouvernement des insuccès et des mécomptes d’une politique personnelle. Sans cette résolution énergique, sans ces vertus viriles, sans cette croyance en l’avenir, le mot d’ordre de Septime Sévère, ce laboremus qu’une voix éloquente et honorée de tous a répété de notre temps[1] pour réveiller dans nos cœurs le courage et la foi aux principes de la révolution française, ne sera qu’une parole vaine qui s’éteindra dans l’indifférence et l’apathie des générations.

HENRI GALOS.

  1. Discours de M. le duc de Broglie à l’Académie française.