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LE CHRISTIANISME ET LE SPIRITUALISME.

humaines, ne vous étonnez pas, ne vous inquiétez pas ; ce n’est pas là que Dieu a porté son divin flambeau, ce n’est pas là la parole de Dieu ; c’est le langage des hommes du temps selon la mesure de leur savoir ou de leur ignorance, le langage qu’ils parlaient et qu’il fallait leur parler pour être compris d’eux. Qu’auraient dit les Hébreux dans le désert, ou les Juifs réunis autour des apôtres, ou les sauvages de la Polynésie aux missionnaires chrétiens, si on leur eût dit que c’est la terre qui tourne autour du soleil, et qu’elle est un sphéroïde habitable et habité sur les points opposés de sa circonférence ? Quoi de plus naturel et de plus inévitable que l’accord du langage des livres saints avec l’imperfection scientifique des hommes sur ces matières, au milieu même de l’inspiration divine sur la loi religieuse et morale de l’humanité[1] ? »

Ce mélange confirme, bien loin de l’altérer, le caractère historique de ces livres. Certes ni la poésie, ni la métaphysique ne manquent dans la Bible ; mais la Bible n’est un recueil ni de poèmes, ni de systèmes philosophiques ; c’est la série, le récit de faits sublimes qui ont frappé l’imagination et conquis la croyance des hommes. Quelles méditations de la pensée, quelles découvertes de la science auraient exercé sur des nations et pendant des siècles une telle puissance et obtenu cette expansion populaire et durable ? Le genre humain ne s’y trompe point ; il ne prend point des systèmes pour des réalités, ni des études humaines pour des révélations divines ; il ne fait point de la religion avec de la philosophie ; il lui faut des faits saisissables, sensibles, féconds ; il lui faut le tableau de sa propre vie en même temps que la satisfaction des instincts supérieurs de sa nature. C’est là ce que lui donne le christianisme historique ; c’est là une des plus inépuisables sources de sa puissance et une des plus fortes preuves de sa vérité.

Je fais un pas de plus, et je touche au second grand caractère du christianisme. Ce n’est pas seulement comme créateur et législateur de sa création que Dieu se manifeste et s’affirme dans l’histoire chrétienne. Il agit et apparaît aussi.dans cette histoire par ces actes spéciaux et inattendus que nous déclarons surnaturels et que nous appelons des miracles. Je ne songe pas à rentrer ici et aujourd’hui dans cette question tant débattue : « Peut-il y avoir des miracles ? Ce mot même, le surnaturel, est-il admissible ? » Je me suis expliqué ailleurs, et sans réserve, à ce sujet[2]. J’y reviendrai un jour, car je suis loin de trouver la question épuisée. Je me borne en ce moment à constater que le surnaturel, les miracles, les actes spéciaux

  1. Méditations sur la religion chrétienne, t. III, p. 108,130.
  2. Ibid., t. II, p. 108,130.