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le président de la chambre qui convoque les électeurs, ce n’est pas le ministre, car l’administration n’a pas à s’interposer entre le pouvoir législatif et le corps électoral, qui en est la source.

En tenant compta de cette origine, il est évident que le rôle de cette assemblée doit être prépondérant dans le mécanisme constitutionnel, puisqu’elle est l’expression de la volonté nationale. Il n’est certainement pas sans inconvénient, ainsi que le fait observer M. Prevost-Paradol, qu’en cas de contestation entre les pouvoirs le dernier mot appartienne au corps législatif ; mais entre les maux il s’agit d’opter pour le moindre. Si le dernier mot restait au pouvoir exécutif, le parlement, ne serait plus qu’un corps consultatif dont les réclamations impuissantes n’empêcheraient pas l’établissement du despotisme. La prépondérance législative ne fait pas courir le même danger : elle est contenue par l’opinion publique et corrigée par le renouvellement périodique de la représentation nationale, par le droit de dissolution dont peut user le chef de l’état.

Comment s’exerce l’autorité parlementaire ? Par le vote du budget, par le vote des lois et par des propositions ou résolutions. Le vote du budget, il n’est pas nécessaire d’insister sur ce point, est la condition essentielle des gouvernemens où le pays veut avoir la direction de ses affaires. Comme de là découle la justification des charges qui doivent peser sur les populations, de là découle aussi l’autorité qui peut les leur faire accepter. Les lois sont présentées au corps législatif, non pas au nom du chef de l’état, — il importe qu’il ne soit pas compromis dans les débats qu’elles soulèveront, — mais au nom des ministres, qui sont la partie active du gouvernement. La chambre les discute, les amende, appelle dans ses commissions les agens de l’administration, les membres du conseil d’état, s’entoure des lumières des hommes spéciaux, approuve ou rejette en pleine connaissance de cause et avec une entière indépendance les projets qui lui sont soumis. Enfin le corps législatif a un droit d’initiative égal et parallèle à celui du pouvoir exécutif. Il faut qu’il puisse, tantôt par une interprétation, tantôt par la présentation d’un projet de loi, satisfaire à un sentiment ou à un besoin qui se manifeste dans le pays, interroger le gouvernement sur la marche qu’il imprime à la politique extérieure, enfin le forcer à tenir compte des intérêts et des préoccupations du public.

En certaines circonstances, quoiqu’élective, la chambre des députés peut ne pas représenter exactement l’opinion du pays ou ne la représenter que dans une phase passagère ; la chambre haute aura le droit et le devoir de s’enquérir jusqu’à quel point le vote de la première chambre est en rapport avec l’opinion nationale, de concilier dans les lois l’esprit de conservation avec l’esprit d’innovation, de juger des changemens à introduire dans la législation, enfin