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son ambition et lui rendront tout facile pour la satisfaire. Il faudrait la vertu d’un Washington pour résister à une tentation pareille.

Au sein d’une société libre, tous les pouvoirs prennent leur source dans la volonté nationale. La royauté préexistante, permanente et transmissible dans une famille ne fait pas exception à ce principe, car elle est enfermée dans le cercle d’une constitution, expression de cette volonté et subordonnée à elle. La royauté n’est pas établie pour elle-même, elle l’est pour l’utilité de la nation ; les prérogatives dont elle est dotée doivent servir au bien du pays et s’exercer dans les conditions que le pays a posées lui-même. Le roi n’est pas le souverain, il est une partie de la souveraineté ; la souveraineté n’a son expression complète que dans le concert de la royauté et de la représentation populaire. La part de souveraineté qui revient au roi est sans doute fort considérable : aussi les pays monarchiques et libres donnent-ils au pouvoir royal des contre-poids efficaces. D’abord la volonté nationale s’y manifeste en même temps que la volonté du chef du pouvoir exécutif ; mais, dira-t-on, le roi tendra tout naturellement à étendre son action au-delà de la sphère où il a droit d’agir. La nation, sous l’empire d’une légitime inquiétude, exagérera son contrôle et s’efforcera de rétrécir le cercle des attributions du pouvoir exécutif. C’est un antagonisme en permanence plutôt qu’une harmonie constituée. Telle est l’objection principale faite à cette forme de gouvernement. Ceux qui la font oubliant qu’au-dessus du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif il se trouve une troisième force assez puissante pour les contenir l’un et l’autre. C’est l’opinion publique. Elle est comme une atmosphère dans laquelle tous les pouvoirs vivent et se meuvent, et qui exerce sur eux une pression régulatrice. Cette force se produit par la presse et les réunions publiques, et peut décider même souverainement entre les pouvoirs en conflit. Avant d’examiner en quoi consiste ce mode d’intervention, il convient de préciser les attributions du corps législatif.

Il doit sa constituer en deux chambres, toutes les deux dérivant du principe électif, l’une directement et l’autre indirectement. La première est formée par l’élection libre des populations, sans autre restriction que l’exclusion des fonctionnaires, ce qui s’explique par le mandat même des représentans du pays, chargés de contrôler les actes du chef de l’état. Cette exclusion est également favorable au pouvoir parlementaire et au pouvoir royal. Au premier, elle assure la spontanéité et l’indépendance de ses résolutions et de ses votes ; elle évite au second toute compromission dans la lutte des partis. A l’assemblée populaire appartient le droit de composer son bureau et de rédiger son règlement intérieur ; c’est la garantie de sa dignité et de sa liberté d’action, En cas de vacance d’un siège, c’est