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par tous les modes d’enseignement, instruction populaire, instruction secondaire, instruction professionnelle, cours publics, conférences sur toutes les matières d’intérêt général ; il faut la liberté la plus complète d’ériger des chaires, d’instruire la foule, de mettre à sa portée les connaissances usuelles, de redresser ses erreurs, de lui signaler les améliorations qu’elle a le droit de réclamer. Ce vaste travail d’éducation politique ne peut s’accomplir que par l’exercice de deux libertés : la liberté sans restriction de la presse et la liberté absolue du droit de réunion. Sans doute l’application de ces moyens est accompagnée de certains inconvéniens ; mais il est temps de ne plus se faire illusion, c’est à prendre ou à laisser : on doit s’armer d’une vertu virile pour être citoyen d’un pays qui veut se gouverner lui-même ; on doit braver quelques dangers pour jouir des bienfaits de la liberté.

La seconde condition du suffrage universel, l’indépendance, n’est pas moins difficile à remplir. Par une anomalie qui est peut-être la cause principale de nos échecs dans les essais d’un gouvernement libre, nous avons encadré nos institutions libérales dans des formes monarchiques. La constituante et la convention, tout en opérant les réformes les plus radicales dans toutes les parties de l’organisation politique, laissaient intacte l’organisation administrative, telle qu’elle s’était constituée pour asseoir le pouvoir royal et affermir l’unité nationale par un travail de trois siècles. La constituante entrevit la contradiction que je signale, et voulut confier l’administration départementale à une réunion peu nombreuse de personnes désignées par l’élection ; mais elle le fit d’une manière bien incomplète, car elle se préoccupa particulièrement de maintenir cette action administrative sous la subordination du pouvoir central. Quant à la convention, loin de s’irriter du contre-sens, elle s’y livra avec d’autant plus d’abandon que, dans la concentration des ressorts administratifs, elle trouvait la force d’imposer ses terribles mesures et de les faire exécuter. À cette époque, quelles que soient les apparences, la plupart des fonctionnaires locaux étaient nommés par l’autorité de Paris plutôt qu’élus par les populations de la contrée, car Paris dominait la France au moyen de ses clubs et des commissaires que les comités révolutionnaires envoyaient dans les départemens. La création des départemens n’a donné à ces fractions du territoire national ni intérêts propres, ni individualité distincte ; elle n’a été pour le gouvernement qu’un moyen plus facile d’administrer.

Les conseils de département durèrent peu. Ils furent supprimés par la convention nationale[1] et bientôt après remplacés par un

  1. Loi du 14 frimaire an II.