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Cette vieille organisation rurale est en déclin. On s’aperçoit que l’on pourrait obtenir un revenu plus considérable en renonçant à cet excessif morcellement des cultures, et que d’un autre côté les terres seraient beaucoup plus facilement améliorées, si on les affermait pour des périodes plus longues à des cultivateurs aisés et capables. Le morcellement primitif des locations disparaît, les baux deviennent plus réguliers et plus longs ; la foule des petits tenanciers et métayers se convertit en simples ouvriers agricoles. Le propriétaire du sol ne se trouve plus en rapports immédiats qu’avec son fermier, et n’a sur les populations des campagnes qu’une influence indirecte. Le fermier lui-même devient un personnage, homme aisé, indépendant grâce à son long bail, ayant des idées et des règles de conduite qui lui sont propres. C’est là un coup porté à l’autorité des propriétaires ruraux. Plus les baux s’allongeront, plus ce coup deviendra sensible. S’il arrive qu’ils se concluent pour une période de vingt, trente ou quarante années, s’ils deviennent emphythéotiques comme dans certains pays, alors c’en est fait de l’ascendant de la grande propriété, elle l’aura en quelque sorte abdiqué au profit d’une autre classe.

Combien l’organisation des agricultural gangs n’est-elle pas encore plus décisive pour le développement de la démocratie dans les campagnes ! Les ouvriers agricoles réunis en troupes nombreuses et permanentes, l’absence de tout lien qui les rattache au propriétaire du sol ou au fermier, la diminution du nombre des serviteurs de ferme gagés à l’année ou au mois, ce ne sont pas là des modifications sans importance. Le système des bandes agricoles isole les ouvriers du cultivateur ; celui-ci ne les connaît plus, n’a plus d’action sur eux ; ce n’est pas lui qui est regardé comme fournissant le travail et qui a droit au nom d’employer ou patron, ce titre revient au chef de bande. Ce personnel qui travaille accidentellement sur les terres du fermier lui est aussi étranger que les ouvriers maçons sont étrangers au propriétaire qui s’est entendu avec un entrepreneur pour la construction d’une maison ou d’un château. Quoique le but de l’enquête anglaise n’ait pas été de signaler les conséquences politiques de la création des bandes, elles ne semblent pas cependant lui avoir complètement échappé. L’indépendance, la turbulence des ouvriers agricoles dans les districts où domine le système des agricultural gangs ont frappé les commissaires. Une autre conséquence de ce système, c’est que la population agglomérée dans les gros bourgs s’accroît sans cesse. Le travail agricole se rapprochant ainsi de plus en plus dans-son organisation du travail industriel, l’agriculture elle-même se modelant de plus en plus sur les autres industries, il en résulte que l’ensemble de situations, de rapports sociaux, d’habitudes et de mœurs qui prévalent chez les