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bande, soit qu’il prenne l’ouvrage à forfait, soit qu’il fournisse à l’agriculteur un nombre convenu de femmes et d’enfans, est présent avec son monde au jour fixé. Il n’y a guère de gangmaster qui n’ait ainsi un mois de travail assuré devant lui. Le mauvais temps même n’arrête pas les ouvriers, à moins qu’il ne se déclare dès le matin et qu’il soit réellement impossible de l’affronter. Une fois arrivée sur les lieux, la bande, qui a fait plusieurs milles pour s’y rendre, qui doit en faire autant pour retourner dans ses foyers et qui a des engagemens avec un autre fermier pour le lendemain, supporte courageusement les intempéries.

Tel est le système des bandes agricoles. Les faits en ont prouvé l’efficacité. Grâce à lui, on a pu cultiver et convertir en riches terres à blé des régions qu’occupaient des marais stériles et pestilentiels. Le South-Fen district, il y a trente ans encore, était couvert d’eaux stagnantes ; l’application de la vapeur au drainage parvint seule à soumettre ces eaux à la puissance de l’homme. On obtint ainsi des terrains arables ; mais les bras manquaient pour les exploiter. Des bandes agricoles ont exécuté les ouvrages nécessaires. Ce mode d’organisation du travail des champs offre aussi aux ouvriers qu’il emploie des avantages matériels. Les femmes et les enfans compris dans les cadres d’une bande agricole sont assurés d’une occupation presque continuelle, — un certain nombre étant employé toute l’année et la plupart la moitié de l’année. Les parens n’ont besoin ni de se mettre en quête de fermiers demandant des bras, ni de se charger de conduire leurs enfans au travail ou d’aller les y chercher. Le chef de bande leur épargne tous ces soins. En outre des enfans d’un âge très tendre, sept ans, six ans quelquefois, cinq ans même, lesquels ne pourraient obtenir de salaire, s’ils étaient isolés, trouvent dans les agricultural gangs une précoce rémunération. Ce sont là les avantages ordinaires de l’association, qui double les forces des faibles, évite des pertes de temps, et augmente l’intensité et la valeur du travail individuel. Or les bandes agricoles forment un mode spécial d’association, et un magistrat, pour effacer cette expression de public gang, tombée en discrédit, avait proposé de nommer cette organisation nouvelle the agricultural juvenile industrial self supporting association, nom aussi bizarre que long et qui signifie : association industrielle de jeunes ouvriers agricoles se recrutant d’eux-mêmes. Les mérites économiques de cette nouvelle organisation du travail sont donc incontestables ; mais ne présente-t-elle pas des côtés fâcheux qui méritent aussi d’arrêter nos regards ? Oui, sans doute, et si le système des agricultural gangs peut être un sujet d’étude pour l’économiste, ce doit être pour le moraliste l’objet de sérieuses réflexions.