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interdits ! . Forts de l’appui du roi, les jehovistes rédigèrent tout un code religieux nouveau, que nous trouvons aujourd’hui dans le Deutéronome, dont il remplit, environ les deux tiers, et qui fut découvert de la façon la plus inattendue par le grand-prêtre Hilkija sous forme d’un vieux livre écrit par Moïse sur l’ordre de Jehovah[1]. Le roi lui-même fut-il le complice ou l’instrument de ce coup d’état sacerdotal ? Ce qui est certain, c’est qu’il mit tout son zèle et toute son autorité au service du nouveau système. L’énumération de ce qui fut détruit dans les bâtimens attenant au temple est des plus instructives. Vases qui avaient servi au culte de Baal et d’Aschera, pieu symbolique d’Aschera elle-même, cellules où les kédeschas s’abandonnaient aux adorateurs de cette déesse, chars et chevaux du soleil érigés à l’entrée du temple par les rois de Juda, tout cela fut anéanti. La vallée de Ben-Hinnôm, où l’on sacrifiait des enfans à Moloch, fut profanée. Il existait encore des temples d’Astarté, de Kémos, de Milcom, dus, disait-on, au roi Salomon. Ils furent saccagés. Les hauts lieux de nouveau furent souillés, et les lévites disséminés dans le pays, perdant par là leur gagne-pain, durent venir tous à Jérusalem et se subordonner au clergé national. Les veaux d’or de Samarie furent fondus, leurs prêtres tués ; en un mot, le monothéisme jehoviste put croire que l’heure de son triomphe définitif était venue.

Ce fut au contraire une crise des plus graves pour lui qui survint. Sa prétention, nous l’avons dit, ne se bornait point à assurer la prépondérance de la vérité religieuse ; elle allait jusqu’à fonder la gloire, la sécurité, le bonheur du peuple sur sa stricte fidélité à Jehovah. Les circonstances semblaient lui donner enfin raison. L’empire assyrien était en pleine décomposition. C’est au point que Josias, simple roi de Juda, agissait en maître dans l’ancien royaume d’Éphraïm ; détruit depuis près d’un siècle, comme s’il eût été le successeur immédiat de David. Cependant de nouveaux points noirs grandissaient aux deux côtés de l’horizon. Babylone prenait la place de Ninive ; le roi d’Égypte Nécho voulait s’agrandir aussi aux dépens de l’empire en dissolution, et il débarqua, suivi d’une puissante armée, sur les côtes de la Palestine. Josias ne craignit pas de lui barrer le passage. La disproportion des forces était énorme ; mais Josias se croyait sûr de l’appui de Jehovah, dont il avait si énergiquement vengé l’honneur. Malheureusement, pour lui, Jehovah ne jugea point à propos d’intervenir, la victoire se déclara pour les gros bataillons, et Josias, battu dans la plaine de Megiddo, mourut sur le champ de bataille.

  1. Cette question du Deutéronome mériterait une étude à part. Il y a du reste longtemps déjà que les critiques avaient relevé la physionomie toute spéciale de cette législation, qui contraste sur tant de points avec les autres recueils de lois dites mosaïques,