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cultes sémitiques était comprise, c’est que le temple de Salomon fut orné par les artistes phéniciens d’une foule de détails symboliques rappelant à chaque instant le culte du soleil. Il faut admettre de. plus, pour bien comprendre la suite, que, si Salomon n’eut aucun motif pour proscrire les divinités autres que Jehovah, il ne fut pas si tolérant pour les sanctuaires jehovistes disséminés dans son royaume et où Jehovah était souvent représenté par un jeune taureau d’or. Il entrait dans l’esprit de toute son entreprise de centraliser à Jérusalem le culte du dieu national, d’en rehausser le prestige par des fêtes pompeuses, où toute la population était conviée trois fois par an[1], d’organiser un clergé nombreux dont les chefs seraient sous sa main, et en même temps de diminuer autant que possible, sinon de supprimer, les autres lieux de culte jehoviste qui pouvaient faire concurrence à celui de Jérusalem.

Cependant les règnes de David et de Salomon influèrent puissamment sur le développement du jehovisme. Les victoires de David, les glorieuses « guerres de Jehovah, » comme on les appelait, enracinèrent profondément dans le cœur du peuple l’idée que son dieu national était le plus puissant de tous, et que sa faveur était assurée à ceux qui le servaient bien. Sous Salomon, ce fut un progrès d’un autre genre, et d’un genre supérieur. L’horizon israélite s’élargit beaucoup. Le peuple sortit de sa crasse ignorance. Ses relations avec les Phéniciens, l’Asie centrale, l’Arabie, les Indes, l’Égypte, lui révélèrent le monde. Il rêva de Tarsis et de son ivoire, d’Ophir et des pays de l’or. Toujours on voit l’idée religieuse s’élever et se purifier quand la connaissance du monde grandit. Il est impossible que, chez quelques esprits au moins, cet élargissement des idées et des vues n’ait pas provoqué des réflexions grosses d’avenir sur ce que devait être ce dieu d’Israël, ce Jehovah, cette force éternelle qui avait fait la terre si grande.

Il n’est pas facile de se rendre un compte bien clair de l’état des esprits en Israël au moment de la mort de Salomon. La révolution victorieuse qui enleva pour toujours à la maison de David les trois quarts de son domaine devait couver depuis longtemps lorsqu’elle éclata. Le motif donné par les historiens bibliques, savoir l’impatience avec laquelle le nord subissait les lourdes taxes prélevées par le roi défunt, et dont la tribu de Juda paraissait profiter seule, est trop vraisemblable pour être révoqué en doute ; mais il ne fut certainement pas le seul. Il est évident que Salomon avait imprudemment heurté les vieilles mœurs par ses innovations. Le temple

  1. Les trois grandes fêtes de l’ancienne année israélite ont aussi subi ce changement de signification que le monothéisme des siècles suivans a imposé à tant d’autres élémens de vieux naturalisme sémitique. Les fêtes du printemps, de la moisson et de la vendange sont devenues celles de Pâque, des Semaines et des Tabernacles.