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brillante carrière qu’il s’est faite, il a marqué par des traits qui ne sont qu’à lui. C’était avant tout un observateur plein de science littéraire, de pénétration et de goût, faisant de la critique comme un naturaliste, étudiant en eux-mêmes les hommes, les talens, les caractères, possédant une puissance infatigable de renouvellement qu’il poussait jusqu’au point de paraître se contredire, de se rectifier sans cesse, et qui sait si par les papiers qu’il peut laisser il ne se rectifiera pas encore du sein de la mort ? Mais dans ce travail permanent de rectification sur lui-même, il portait un goût très vif pour la vérité, surtout l’amour des lettres, cet amour qu’il a gardé jusqu’à la dernière heure, travaillant encore même quand il savait que la vie pouvait lui échapper d’une heure à l’autre. M. Sainte-Beuve n’avait rien d’un soldat, et il a fini en soldat, ferme de cœur et d’intelligence, ne rendant les armes que devant l’implacable mort, ce dernier et seul ennemi dont l’esprit ne triomphe pas. ch. de mazade.




ESSAIS ET NOTICES.

de quelques récentes publications historiques sur la période révolutionnaire.

L’administration des archives impériales de Vienne donne, depuis quelques années, un excellent exemple. Elle a confié à son directeur, M. Alfred d’Arneth, le soin de publier ce qu’elle possède d’utiles documens intéressant l’histoire jusque dans les dernières années du XVIIIe siècle. On fait de même à l’heure qu’il est en plusieurs autres pays, et l’on peut dire qu’en général les portes de ces riches dépôts s’ouvrent désormais dans les principales capitales de l’Europe, soit pour des publications de caractère presque officiel sans doute, mais dont on doit encore être reconnaissant, soit pour un plus facile accès en faveur des savans du dehors. On ne voit pas que ces facilités nouvelles accordées au travail aient suscité des embarras diplomatiques et brouillé les cabinets ni les peuples. Cet exemple commence à peine à être suivi chez nous, bien qu’il importe que nous puissions combattre à armes égales dans la lutte ouverte pour l’étude de l’histoire toute moderne. Il faut y songer : nos maîtres d’il y a trente ans, qui ont tant fait pour la science historique, à la gloire de leur temps et de leur pays, ont livré le secret de leur art à nos voisins en même temps qu’à nous. L’Angleterre et l’Allemagne ont maintenant de remarquables livres qui ne le cèdent pas toujours aux nôtres pour les qualités mêmes qu’on s’accordait naguère à nommer toutes françaises. D’ailleurs partout domine aujourd’hui l’excellente préoccupation d’une sévère critique et d’une exactitude scrupuleuse. Si donc nous voulons soutenir le renom de notre école historique, servons-