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façon aux obligations fédérales qu’on a acceptées, aux liens par lesquels on s’est attaché à la Prusse ; mais il atteste aussi bien clairement la volonté de ne rien faire de plus, de défendre l’autonomie saxonne dans son intégrité. À Bade, d’où l’on eût dit qu’allait partir le signal de la grande crise, tout finit par des explications très pacifiques, peu compromettantes, échangées entre un membre du parlement, le comte de Berlichingen, et le ministre des affaires étrangères, M. de Freydorf. Il est bien clair aujourd’hui que la fusion de Bade dans la confédération du nord était moins avancée qu’on ne le disait, et M. de Berlichingen assure même qu’elle ne serait rien moins que populaire dans le pays, qu’on veut bien entrer dans une Allemagne grande et unie, mais qu’on ne veut pas de la prussification. Au fond, qu’a répondu M. de Freydorf lui-même ? Il a dit à peu près qu’une confédération des états du sud était difficile, que l’entrée dans la confédération du nord n’était pas possible en ce moment, qu’il y avait plus d’un moyen d’établir un lien national entre les deux grandes fractions de l’Allemagne, et qu’en fin de compte on n’avait rien fait jusqu’ici pour hâter la solution. Tour cela permet de respirer sans avoir trop à craindre pour un avenir prochain. Quant au discours du roi Guillaume, il a été assurément des plus pacifiques, et il a été particulièrement pacifique en ce sens qu’il a surtout parlé aux chambres prussiennes de l’embarras des finances, du déficit, de la nécessité d’y pourvoir par de nouveaux impôts. C’est la carte à payer des annexions et des armemens démesurés. Il n’y a rien au monde qui conseille la paix comme le déficit et la nécessité de nouveaux impôts. La Prusse en est là pendant que M. de Bismarck continue à se reposer dans sa solitude de Varzin. L’Europe peut donc se rassurer, elle n’est menacée d’aucune complication prochaine ; mais combien de temps durera cette phase de sérénité et de paix ?

Ce n’est pas en Espagne que l’horizon est aussi dépouillé de nuages. L’Espagne n’a point la guerre étrangère, il est vrai, elle a la guerre civile. C’était assez facile à prévoir. Il y a longtemps que le parti républicain se prépare à la lutte, et, comme il avait peu de chances de triompher par l’action régulière de l’opinion, il ne pouvait pas tarder à lever le masque ; il n’y a pas manqué. Depuis quinze jours, l’insurrection se promène un peu partout, en Catalogne, en Aragon, à Valence, en Andalousie, ayant à sa tête quelques-uns des députés républicains, coupant les chemins de fer et les télégraphes. En Andalousie et en Catalogne, l’insurrection semble à peu près vaincue ; à Saragosse, elle a livré un combat sanglant et meurtrier ; à Valence, elle tient encore, et il va falloir un véritable assaut pour reprendre la ville. Le premier mouvement du ministère a été naturellement, comme toujours, de demander la suspension des garanties constitutionnelles, en d’autres termes de s’armer de la dictature. Naturellement aussi ceux des députés républicains qui res-