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de reprendre immédiatement la session extraordinaire interrompue, d’en finir avec la vérification des pouvoirs, d’établir le corps législatif dans sa situation nouvelle, de faire en un mot acte de bonne volonté, sauf à renvoyer, si on le voulait, à une grande session d’hiver les questions qui découlent de l’œuvre même du sénat, qui sont le complément nécessaire des récentes transformations constitutionnelles. Rien n’était plus logique et plus avouable. Pas du tout : on s’est cru dans un temps ordinaire, on a paru s’endormir, on a laissé se prolonger une situation indécise sans se préoccuper des impatiences de l’opinion, et, comme le gouvernement venait de perdre l’occasion d’une habile initiative, l’opposition de son côté ou du moins une fraction de l’opposition s’est hâtée de se montrer tout aussi peu prévoyante en se précipitant tête baissée dans une campagne stérile ou périlleuse, qui ne pouvait la conduire qu’à l’impuissance ou à l’insurrection. L’opposition s’est armée d’un article équivoque d’une constitution en détresse ; elle a fait de la réunion du corps législatif à jour fixe une question de vie ou de mort, elle a donné des rendez-vous au palais Bourbon pour le 26 octobre, et en fin de compte elle a provoqué des passions qui ne demandent pas mieux que d’accepter des rendez-vous et de saisir des prétextes. Le gouvernement a été réveillé par le bruit, nous le croyons bien : il a compris, un peu tard que le moment était venu de prendre un parti ; mais comment a-t-il répondu à cette agitation qu’il voyait monter autour de lui, qui menaçait de faire du 26 octobre un jour de conflit ? Il n’a dit ni oui ni non, il a cédé et il n’a pas cédé ; il a résisté en éludant la date fatidique, et, tout en ajournant au 29 novembre la réunion du corps législatif, il a visiblement transigé en publiant dès aujourd’hui le décret de convocation.

C’était une faute de plus, c’était disputer sur quelques semaines et obéir à une inspiration de fausse susceptibilité. Cependant le jour était fixé, c’était l’essentiel. Dès ce moment, l’opposition, mieux inspirée, aurait dû voir qu’elle n’avait plus qu’à s’arrêter en laissant au gouvernement la responsabilité d’une résolution tardive et d’un ajournement peu politique, qu’elle n’avait désormais qu’à se retrancher dans le sentiment de sa force en se réservant de relever la question en plein parlement. Par le fait, c’est bien ce qui a eu lieu, et la manifestation du 26 octobre perd chaque jour du terrain ; elle est d’avance découragée et désavouée par tout ce qu’il y a en France d’esprits sensés et prévoyans, plus préoccupés de servir utilement la cause libérale que de préparer des journées révolutionnaires. On ne peut se dissimuler néanmoins que les promoteurs de cette manifestation ont opéré leur retraite un peu en désordre et en maugréant. Ils ne se sont pas décidés avec une complète spontanéité à se désister de leur futur serment du jeu de paume. En dégageant leur initiative personnelle, ils laissent derrière eux l’effervescence qu’ils ont allumée, et c’est ainsi que de faute en faute on en est venu de part