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conduite de Napoléon. Les premières paroles d’ouverture furent portées au cardinal Consalvi par une dame italienne liée avec M. de Talleyrand, et qui occupait une grande situation dans la maison de l’impératrice Marie-Louise. Le choix de l’intermédiaire était heureux, car la marquise de Brignole appartenait à une famille comme par ses sentimens catholiques et par les services qu’elle avait toujours cherché à rendre à la cause pontificale. Le nom de son mari, qui venait d’être nommé préfet du département de Montenotte en remplacement de M. de Chabrol, celui de ses beaux-frères et de presque tous ses parens, Génois comme elle, avaient été trouvés par la police impériale (nos lecteurs s’en souviennent peut-être) sur la liste des fidèles qui s’étaient cotisés pour faire parvenir quelque argent à Pie VII lors des premiers temps de sa captivité à Savone. Cependant Mme de Brignole, malgré ses bonnes intentions, fut doucement éconduite à Fontainebleau. « On lui fit répondre que le temps ni le lieu n’étaient favorables pour négocier un nouveau traité[1]. » À cette dame succéda, vers la fin de décembre, un négociateur plus officiel qui avait reçu ses pouvoirs non pas encore de l’empereur lui-même, mais de son ministre d’état, le duc de Bassano. C’était M. Fallot de Beaumont, ancien évêque de Gand, puis de Plaisance, récemment nommé, après le concordat de Fontainebleau, à l’archevêché de Bourges. M. de Beaumont, prélat honorable et distingué, fut invité à se rendre à Fontainebleau pour offrir ses hommages à Pie VII avec mission de dire, comme de lui-même dans la conversation, qu’il ne serait peut-être pas impossible de lever les obstacles qui s’opposaient au retour du pape à Rome. Si Pie VII accueillait bien cette ouverture, M. de Beaumont était autorisé à lui faire savoir qu’il recevrait immédiatement les pouvoirs nécessaires pour traiter. Le pape écouta l’archevêque nommé de Bourges avec amabilité, mais avec une complète indifférence, se bornant à répéter qu’il avait interdit aux cardinaux de lui parler d’aucune affaire. M. de Beaumont prit alors congé, et les choses en restèrent là pour le moment.

À peine M. de Beaumont avait-il quitté Fontainebleau pour aller rendre compte de sa mission à M. de Bassano, que le commandant Lagorse prenait la plume afin d’écrire de son côté au ministre des cultes. Suivant M. Lagorse, « un médiateur comme l’archevêque de Bourges, M. de Beaumont, était un personnage trop en évidence. Il n’aurait pas fallu l’exposer aux chances d’un refus dicté par l’apathie ou par la vanité. » C’est pourquoi M. Lagorse n’hésitait pas à s’offrir lui-même.


« L’application, disait-il, que j’ai mise à étudier les habitudes et le caractère du pape m’a convaincu d’une vérité qui probablement a été con-

  1. Œuvres complètes du cardinal Pacca, t. Ier, p. 357.