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s’était empressée d’envoyer un page à Fontainebleau pour annoncer cette victoire à Pie VII comme un événement dont elle était assurée qu’il se réjouirait, « connaissant, c’étaient ses propres expressions, les sentimens d’amitié que sa sainteté nourrissait pour l’empereur. » Les convenances exigeaient, dit Pacca, que le pape répondît poliment à une princesse qui gardait à son égard toutes les apparences de la courtoisie. Cependant il était à craindre que cette réponse ne fut insérée dans les journaux; c’est pourquoi il fallait se bien garder d’y rien mettre qui fut de nature, soit à choquer au dehors les puissances étrangères, soit à faire supposer en France qu’il existait encore des rapports bienveillans entre l’empire et le saint-siège. Afin de parer à ce double inconvénient, Pie VII écrivit à l’impératrice une lettre à la fois paternelle et réservée, dans laquelle, pour plus de sûreté contre toute espèce de publication, il eut soin de glisser des plaintes assez vives au sujet des sévices exercés contre sa personne, et de l’enlèvement du cardinal di Pietro[1].

Bientôt une autre circonstance s’était offerte pour le saint-père de témoigner combien il était loin d’être aussi indifférent à son sort et aussi absorbé par les exercices d’une mesquine dévotion que le commandant Lagorse se l’était gratuitement imaginé. Quand parvint à Fontainebleau, vers le milieu de juillet 1813, la nouvelle de l’armistice conclu entre les parties belligérantes et l’annonce du congrès ouvert à Prague, les cardinaux Consalvi et Pacca conseillèrent à Pie VII de saisir une occasion si favorable pour revendiquer à la face de l’Europe les droits du saint-siège sur les états romains. La démarche était certainement hardie, et, si Napoléon demeurait vainqueur, pouvait même devenir périlleuse. Pie VII n’hésita point. Il écrivit de sa main à l’empereur François une lettre dans laquelle il déclarait solennellement n’avoir jamais renoncé à sa souveraineté temporelle, et réclamait hautement la restitution de ses domaines, « comme fondée sur la justice de sa cause et sur les droits sacrés de la religion, qui exigent que le chef visible de l’église puisse exercer librement et d’une manière impartiale sa puissance spirituelle dans toutes les parties du monde catholique[2]. » Cette dépêche, mise sous le couvert de M. Severoli, nonce apostolique près la cour de Vienne, fut portée à sa destination par le comte Thomas Bernetti, alors attaché à la personne du cardinal Brancadoro, son oncle, et que nous avons depuis connu à Rome secrétaire d’état des papes Léon XII, Pie VIII et Grégoire XVI. On le voit, le pape, s’il était parfaitement tranquille, comme M. Lagorse avait tout à fait raison de

  1. Lettre de sa sainteté le pape Pie VII à l’impératrice Marie-Louise, citée par le cardinal Pacca, Œuvres complètes, t. Ier p. 415.
  2. Lettre de sa sainteté le pape Pie VII à sa majesté l’empereur d’Autriche. Fontainebleau, 24 juillet 1813. (Citée par le cardinal Pacca, Œuvres complètes, t. Ier, p. 415.)