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autres livres védiques tous les détails de cette organisation, qui contient en germe celle des cérémonies modernes. Sans entrer là-dessus dans des détails étrangers à notre sujet, nous ferons seulement remarquer qu’il y eut une enceinte sacrée, répondant au chœur de nos églises, dans laquelle n’étaient admis que les prêtres et les personnages qui faisaient dans des circonstances solennelles les frais de la cérémonie. Les « portes éternelles » s’ouvraient pour laisser entrer « le roi glorieux, » c’est-à-dire le feu resplendissant, puis elles se refermaient et laissaient au dehors la foule « profane » des assistans. Ainsi de bonne heure chaque communauté dont les membres étaient unis par une même religion se trouva partagée en deux classes de personnes, les prêtres et les laïques ou gens du peuple. L’accomplissement des cérémonies fut le lot exclusif des premiers. Ils eurent par conséquent aussi, à l’exclusion des laïques, la fonction et bientôt le droit d’interpréter les cérémonies, de commenter les anciens hymnes, de donner les nouvelles formules métaphysiques que leur science découvrait, enfin de tirer les conséquences morales et politiques qui pouvaient en découler. Les prêtres furent les savans, et les autres hommes furent les ignorans. Du nombre de ces derniers, il ne faut pas même excepter les rois, dont la richesse et le métier des armes étaient l’apanage et relevaient assez la position. Cet état d’ignorance des rois et des princes dura longtemps, car nous le retrouvons chez les Grecs dans l’Odyssée, à Rome jusqu’au temps des Scipions, et chez nous durant toute la période épique du moyen âge ; aujourd’hui même, dans l’Inde, la caste des rajahs est très ignorante, et s’est récemment encore fait avertir par des gouverneurs anglais qu’elle perdrait bientôt sa fortune et son prestige au milieu de sujets qui s’instruisent et s’enrichissent. L’exclusion fut donc complète, et il se forma sur toute la terre une classe d’hommes qui dans chaque pays eurent le privilège de connaître des affaires sacrées, de fixer et de maintenir l’orthodoxie. Leur place dans les sociétés fut avantageuse : outre le dépôt de la science confié à leurs mains, ils avaient les fonctions les plus douces et les plus considérées, ils jouissaient d’une grande sécurité, et se voyaient mis par la protection des rois et les labeurs du peuple à l’abri de presque toutes les misères de la vie. Lorsque dans le bouddhisme d’abord et plus tard dans le catholicisme on voulut supprimer à jamais toute idée de caste sacerdotale et livrer le sacerdoce au peuple entier en créant le célibat des prêtres, la condition de ces derniers se trouva encore améliorée, puisque, sans perdre aucun de leurs autres avantages, ils furent par là soustraits aux obligations de famille et aux malheurs domestiques.

Quelles qu’aient été son organisation et la distance établie entre lui et les profanes, le sacerdoce se trouva seul chargé du soin de