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visoires des vicaires déjà munis de pouvoirs par les prélats détenus, et que la difficulté canonique avait été ainsi tacitement éludée. La nomination malencontreuse des nouveaux titulaires la faisait imprudemment renaître avec une déplorable vivacité. Averti par le ministre des cultes d’avoir à donner sur-le-champ des pouvoirs à M. de Cussy, nommé à l’évêché de Troyes, le chapitre de cette cathédrale avait d’abord fait quelques objections, puis avait consenti, mais s’était finalement rétracté, ayant reçu, par l’intermédiaire d’un curé qui avait fait exprès le voyage de Fontainebleau, l’avis qu’aux yeux du pape M. de Boulogne était le seul évêque légitime, et que sa sainteté ne connaissait point l’abbé de Cussy, sinon comme un intrus et un schismatique[1]. Quand de pareilles difficultés surgissaient, c’était, on le sait, l’habitude du ministre de la police d’entrer aussitôt en scène. Le duc de Rovigo envoya donc au préfet du Calvados une nouvelle formule de déclaration que M. de Boulogne, détenu à Falaise, devait immédiatement souscrire « sous peine de se constituer en rébellion ouverte contre le gouvernement.» M. de Boulogne s’y refusa, proposant de renouveler purement et simplement sa démission précédente. Cela se passait le 1er septembre 1813. Deux mois après, sur des ordres venus de Dresde, un officier de gendarmerie arrivait à Falaise pour arrêter l’évêque et saisir tous ses papiers. A peine lui laissa-t-on le temps qu’il demanda pour écrire son testament, et quarante-huit heures après il était derechef enfermé dans le donjon de Vincennes, dont le régime était devenu de plus en plus sévère : les promenades y étaient désormais interdites, et les moindres nouvelles politiques soigneusement cachées à tous les détenus.

Les choses se passèrent plus doucement en ce qui regardait M. Hirn, car il signa sans grande difficulté la nouvelle formule de déclaration qui lui avait été envoyée en même temps qu’à M. de Boulogne. Ce fut le chapitre de Tournai qui résista. Quelques-uns de ses membres allèrent même jusqu’à donner leur démission. Les supérieurs du séminaire de cette ville, inquiets de l’orage qui se formait et ne voulant point reconnaître les pouvoirs du nouveau titulaire, avaient pris le parti de licencier avant les vacances tous leurs élèves. L’agitation était extrême dans ce diocèse, dont les habitans, fort catholiques, voyaient d’assez mauvais œil la domination française, et ne dissimulaient en aucune façon leur sympathie pour la cause du saint-père. Quand l’empereur reçut à Dresde ces contrariantes nouvelles, il en fut plus importuné qu’effrayé; comme il venait de battre à Lutzen les armées ennemies, il jugea l’occasion

  1. Coup d’œil sur l’histoire ecclésiastique, par le chanoine de Smet, p. 318, 319.