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principes mêmes de la doctrine, elle embrasse nécessairement tout ce qui en découle, c’est-à-dire les rites, les symboles et bientôt après la morale et toutes ses applications ; quand ce phénomène psychologique se produit dans sa plénitude, la religion dispose alors de toutes les forces humaines, et devient pour ainsi dire irrésistible ; toutes ces forces se trouvent dirigées dans le même sens, comme les gouttes d’eau d’un fleuve qui tombe en cascade ou comme les molécules de l’air dans un ouragan.


II

Telle est la nature première des orthodoxies et la manière dont elles sont nées. Leur point de départ pour la race aryenne a été l’Asie centrale ; mais elles n’ont pris leur forme définitive et ne sont arrivées à leur développement respectif que dans divers pays et à plusieurs époques : leur histoire est parallèle à celle de la religion. Disons maintenant les conditions où elles se sont trouvées dès les premiers temps et où elles se trouvent encore aujourd’hui.

Allumer le feu et exécuter autour de lui certains mouvemens déterminés n’a rien qui ne soit accessible à tout homme jouissant des facultés physiques et morales les plus communes ; mais composer un hymne n’est pas donné à tout le monde. Si cet hymne doit être en même temps une description, une théorie et un chant, l’art de le composer devient nécessairement le partage d’un petit nombre. A l’incapacité naturelle de la plupart des hommes se joignent les nécessités de la vie et les occupations quotidiennes sans lesquelles l’existence ne peut se soutenir. La division des communautés religieuses en deux classes, les prêtres et ceux qui ne l’étaient pas, est donc un fait très ancien et pour ainsi dire primitif, parce qu’il repose sur la nature des choses. Aussi la trouvons-nous établie non-seulement dans les plus anciennes légendes dont le Vêda fasse mention, mais dans des documens égyptiens historiques qui remontent à plus de cinq mille ans avant notre ère. Les mots qui désignent la classe des prêtres ont eu des significations diverses selon les langues et les pays : ils furent appelés sacrificateurs chez les Latins et les Grecs ; dans l’Asie centrale, ils portèrent le même nom commun que les dieux, celui de dêvas ou d’êtres brillans à cause de leurs ornemens sacrés et de l’éclat dont la lumière du feu les entourait. Lorsque.les sacrifices publics eurent été institués et que le nombre des prêtres officians eut été porté d’abord à quatre, puis à sept, chacun d’eux prit un nom approprié à la fonction qu’il remplissait dans l’enceinte du sacrifice. A partir de ce moment, il y eut une sorte de clergé organisé autour de chaque autel.

Nous avons dans le Rig-Vêda, dans le Sâma-Vêda et dans les