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prétentions[1]? » Plus tard, quand il avait appris la signature du concordat de Fontainebleau, sans d’ailleurs en connaître le texte, Fesch avait témoigné plus de méfiance que de satisfaction, «Il ne faut pas, avait-il dit aux chanoines de son chapitre, se livrer à une joie prématurée. Je crains toujours qu’il n’y ait quelque piège caché. La paix qu’on annonce pourrait bien n’avoir été conclue qu’au détriment de l’église. »

Évidemment un cardinal ainsi disposé n’était pas pour apporter beaucoup d’aide aux évêques qui tenaient le parti de l’empereur. Rien ne prouve que l’archevêque de Lyon, quand il vint à son tour rendre visite au saint-père à Fontainebleau, l’ait personnellement engagé à protester contre le concordat ; mais il est permis de supposer qu’il songea encore moins à le détourner de cette résolution. Les personnes qui composaient sa maison ne se gênaient en aucune façon pour abonder publiquement dans le sens des cardinaux les plus dévoués au saint-siège. On savait que les ecclésiastiques dont il était habituellement entouré, et parmi eux le prélat Isoard et le jeune abbé de Quélen, étaient en correspondance suivie avec le saint-père. Le pieux biographe du cardinal ne semble pas douter qu’ils ne lui servissent d’intermédiaires et de prête-nom. Peut-être le ministre des cultes voulait-il faire allusion à Fesch lorsque, pour rendre compte à l’empereur de ce qui se passait à Fontainebleau, il lui mandait : « Il paraît que plusieurs cardinaux ont fait naître dans l’esprit du saint-père des regrets sur le concordat de Fontainebleau, et qu’on chercherait à le considérer comme de simples préliminaires d’un traité qui resterait à conclure… Il y avait une telle convenance que c’était pour le pape un devoir de venir à Paris saluer votre majesté, ou du moins lui écrire. Je sais bien qu’il lui a été fait, surtout sur ce dernier point, des représentations[2]. »

Cette inaction du saint-père, qui refusait à la fois de le venir voir et de lui écrire, le retard apporté à l’expédition des bulles demandées pour ses évêques, blessaient profondément l’empereur, et, comme il le faisait toujours lorsque la colère le prenait, il se mit à se répandre en menaces, «Toutes ces prétentions des cardinaux sont ridicules, écrit-il le 13 mars à M. Bigot. Vous direz que, si jamais le pape devenait souverain temporel, nous romprions avec lui. Nous ne ferions pas pour cela un schisme : mais nous ne voudrions pas souffrir l’influence d’un souverain dont les intérêts politiques pourraient être différens des nôtres. Puisque le pape ne prend conseil que des gens comme les di Pietro et les Litta, vous lui ferez connaître qu’on verra bientôt de nouveau les suites fâcheuses de l’ineptie de ces

  1. Le cardinal Fesch, par l’abbé Lyonnet, présentement archevêque d’Albi, t. II, 455.
  2. Le ministre des cultes à sa majesté l’empereur Napoléon, 9 mars 1813.