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On devine aisément que depuis la signature du concordat le palais de Fontainebleau avait revêtu une physionomie un peu plus animée. Non-seulement les cardinaux noirs, relâchés de prison, y étaient arrivés de toutes parts, logés, les uns dans le palais, les autres dans la ville, mais les cardinaux rouges n’avaient pas mis moins d’empressement à venir y saluer le chef de leur loi, enfin rendu à la liberté. En dehors des prélats que nous avons déjà nommés, beaucoup d’autres évêques avaient été mandés de France et d’Italie pour se concerter avec le pape sur l’exécution du nouveau concordat. Le plus grand nombre appartenait, avec l’archevêque de Tours et les évêques de Trêves et de Nantes, au groupe qui, pendant le concile national, avait pris parti pour le chef de l’état contre le saint-siège. Plusieurs d’entre eux étaient même d’anciens évêques constitutionnels. M. d’Osmond, ancien évêque de Nancy, archevêque nommé de Florence, M. de Beaumont, évêque de Plaisance, nommé récemment à la métropole de Bourges, et M. Vancamp, curé d’Anvers, nommé au nouvel évêché de Bois-le-Duc, étaient de ceux au sujet desquels s’était élevée la récente querelle de l’institution canonique. Le pape les avait tous accueillis avec la même cordialité, sans distinction de personnes, sans témoigner à aucun d’eux, par l’air de son visage, le moindre mécontentement. Aux hommages des membres du clergé étaient venus se joindre ceux des fidèles. Pie VII ayant consenti à dire la messe dans la grande chapelle du château, celle-ci fut à l’instant envahie par les habitans de Fontainebleau. L’empressement des gens de la campagne n’avait pas été moins grand. On accourait même de Paris, et plus d’une fois cette foule pieuse fut admise à baiser, comme cela est d’usage à Rome, la mule du saint-père. Une certaine pompe n’avait même pas manqué à ces cérémonies, qui rappelaient de loin celles du Vatican, car l’empereur avait de nouveau envoyé à Fontainebleau une partie de sa maison civile et militaire. Le généra! comte de Saint-Sulpice, gouverneur du château, avait reçu l’ordre de s’y rendre et d’en faire personnellement les honneurs à l’hôte de son maître. Le commandant Lagorse lui-même, créé adjudant du palais, avait tout à coup quitté son uniforme de gendarme, et ne se montrait plus aux yeux du saint-père qu’en habit de chambellan.

Malgré ces apparences extérieures, Pie VII et son entourage demeuraient en proie aux plus tristes préoccupations. Que résoudre, et comment se tirer avec honneur d’une pareille situation? A peine les membres du sacré-collège avaient-ils été réunis en nombre suffisant autour de sa personne, que le pape les fit prier, par l’intermédiaire de l’archevêque d’Edesse, de vouloir bien consigner par écrit leur opinion individuelle sur les articles du nouveau concordat,