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richesse publique. On ne niera pas qu’avec le progrès, avec le bien-être qui en résulte pour les populations, on consomme davantage, et comme on consomme surtout des choses qui ne se reproduisent pas à volonté, aussi vite que l’exigeraient les nouveaux besoins, des choses qui ne peuvent pas s’amasser et se garder indéfiniment, telles que les denrées alimentaires, celles-ci augmentent de prix, et d’autant plus rapidement que l’offre dépasse la demande. Il en est de même pour les salaires, qui s’élèvent en raison de l’activité industrielle et commerciale.

Quant aux articles manufacturés, dont la tendance générale est à la baisse par suite des applications scientifiques et des progrès de toute nature, cette tendance se trouve un peu ralentie par une consommation devenue plus grande; mais elle n’en persiste pas moins, et nous n’avons pas besoin de recourir aux tableaux officiels pour déclarer qu’il en coûte aujourd’hui moins cher pour se vêtir et pour se procurer certains objets d’usage habituel et même de luxe, papier, faïences, porcelaines, cristaux, qu’avant 1848. On peut également acheter à meilleur marché tous les produits qui dérivent du fer, les articles de taillanderie, de coutellerie et de quincaillerie par exemple. Enfin, loin des grandes villes et des centres industriels, on trouve encore à se loger à aussi bon compte qu’il y a vingt ans. Par conséquent il n’y a rien de changé dans les lois qui président aux variations des prix; il n’y a pas eu ce renversement des faits antérieurs que croit apercevoir M. levons. Les mêmes choses ont monté, les mêmes ont baissé; seulement les proportions ont été différentes, et, si elles se sont accentuées davantage dans le sens de la hausse depuis 1848, c’est parce que le progrès a été aussi beaucoup plus considérable; nous donnerons à cet égard des chiffres qui éclaireront très vivement la question. Pour le moment, constatons bien qu’il y a des choses encore qui ont diminué de valeur depuis 1848, d’autres qui sont restées stationnaires. Ce qui est surtout concluant contre cette prétendue dépréciation des métaux précieux, à laquelle on voudrait attribuer les variations qui ont eu lieu, c’est ce qui résulte des tableaux mêmes de M. Jevons, à savoir que les prix en général sont aujourd’hui moins élevés qu’il y a douze ans, et cela malgré une quantité de métaux précieux qui n’a fait que s’accroître. Cela prouve au moins que ces deux faits, l’augmentation du numéraire et la hausse des prix, ne sont pas étroitement liés l’un à l’autre. On pouvait s’y tromper en 1857 et 1858, alors qu’on était en présence d’une abondance exceptionnelle et toute récente de métaux précieux, et qu’on avait vu s’élever les prix d’année en année sans qu’il y eût de réaction. Après ce qui s’est passé depuis, après la baisse relative qui a eu