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l’instruction publique, M. de Parieu, qui devait naturellement la défendre, se contenta de dire « qu’elle n’avait pas fait tout le bien qu’elle pouvait faire. » C’est donc avec beaucoup de tristesse qu’elle commença l’épreuve de ce régime nouveau, et d’abord ses craintes parurent justifiées. Sa situation, qui depuis 1848 était mauvaise, devint pire quand il lui fallut subir le premier feu de la concurrence. On constata en 1851 que depuis trois ans 58 collèges communaux s’étaient fermés et que les lycées avaient perdu près de 4,000 élèves.

Ce n’était rien, et le coup d’état vint exposer bientôt l’Université à d’autres dangers. Elle était suspecte au nouveau pouvoir : on la savait libérale; c’est un vieux défaut chez elle, et dont il ne faut guère espérer qu’elle se corrige : elle l’était déjà au moyen âge. Beaucoup de professeurs refusèrent le serment et donnèrent leur démission. On ne trouva pas chez les autres de ces complaisances bruyantes qu’on rencontrait si facilement ailleurs, notamment dans le clergé. Le gouvernement était alors fort irritable, et les moindres résistances l’impatientaient; on dit qu’il eut quelque temps la pensée de détruire l’Université; ce qui est sûr, c’est que le bruit en courut et qu’il ne fut jamais démenti. Pendant trois longs mois, les professeurs s’attendirent tous les jours à voir leurs collèges fermés et leur carrière interrompue. Aux tristesses patriotiques qu’ils éprouvaient tous se joignaient, surtout pour ceux qui n’étaient pas seuls dans la vie, les angoisses de l’incertitude et l’inquiétude du lendemain. L’orage passa pourtant, et ce qui est curieux, c’est que l’enseignement officiel fut, dit-on, sauvé par les évêques. On prétend que le gouvernement, qui voulait le supprimer, leur en offrit la survivance; mais ils trouvèrent qu’ils n’étaient pas assez prêts pour recueillir si brusquement ce riche héritage, et qu’en attendant d’autres pouvaient en profiter. Pendant ces hésitations, le gouvernement se ravisa.

On laissa donc la vie à l’Université, mais ce ne fut pas sans prendre beaucoup de précautions contre elle. Elle avait jusque-là, malgré toutes ses disgrâces, conservé un privilège important : ses professeurs jouissaient d’une sorte d’inamovibilité, ils ne pouvaient être destitués, ni même déplacés contre leur gré sans un jugement du conseil académique. On avait voulu relever de quelque façon leurs fonctions modestes et leur accorder au moins la sécurité, si on ne pouvait pas leur donner la fortune. Un décret supprima ces garanties. Les fonctionnaires de l’enseignement à tous les degrés furent livrés à la merci du ministre, et l’on remit en ses mains le despotisme le plus absolu. Ce n’était pas une arme vaine à ce moment, et le pouvoir était fort disposé à s’en servir. Il était bien aise de faire sentir son poids, et tirait vanité de la frayeur qu’il causait. D’ailleurs les traditions de l’ancien empire recommençaient par-