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qu’on leur livrait leur ancienne ennemie, qu’on leur accordait cette liberté d’enseigner qu’ils avaient prise pour drapeau depuis 1830, qu’on supprimait la défense faite aux corporations non reconnues par l’état d’ouvrir des établissemens d’instruction publique, aucune concession ne put les satisfaire. Les circonstances étaient bonnes pour eux, ils voulaient en profiter. Quoi qu’on leur offrît, ils souhaitaient encore quelque autre chose qu’ils n’osaient pas dire. Un évêque, M. Parisis, vint déclarer à la tribune qu’il n’acceptait la loi qu’avec tristesse, et qu’en la votant il faisait un sacrifice pénible à la paix publique. Les plus fougueux de son parti se montrèrent moins résignés. Ils attaquèrent avec une violence extrême M. de Falioux et ses amis, et M. de Montalembert étonna beaucoup la chambre en lui apprenant qu’il avait été dénoncé au pape comme un traître. C’était le commencement de ces haines fraternelles qui font peu d’honneur à la charité chrétienne, et dont les journaux catholiques nous ont donné depuis des exemples si curieux.

Quel crime avaient donc commis les auteurs de la loi pour être ainsi traités par leur parti? Ils laissaient sans doute subsister l’Université; mais quelle situation lui faisaient-ils? M. Beugnot commençait son rapport en niant absolument que l’état eût le droit d’enseigner : c’était ruiner d’avance le principe sur lequel l’Université repose. Il laissait entendre dans la suite que ses amis et lui n’auraient pas été fâchés de la voir disparaître, mais qu’on n’avait pas osé la jeter à bas trop brusquement. Elle était entrée dans les usages du pays ; « une foule d’habitudes, d’opinions et d’intérêts se dressaient pour la défendre. » Ce n’était donc pas très volontiers qu’on la laissait vivre, et l’on avait l’espérance secrète qu’elle ne tarderait pas à mourir de sa belle mort. Personne ne doutait, parmi les amis de M. Beugnot, qu’elle ne fût hors d’état de résister longtemps à l’essor qu’allait prendre l’enseignement libre. En attendant, on faisait sonner bien haut la complaisance qu’on avait de ne pas la tuer d’un seul coup, et le noble rapporteur, pour exciter sa reconnaissance, rappelait qu’on lui laissait « une riche subvention inscrite au budget et la jouissance de somptueux édifices, » ce qui ressemble beaucoup à une cruelle ironie, quand on songe que les professeurs avaient à peine de quoi vivre, et que beaucoup de collèges tombaient en ruine. Il faut donc reconnaître que l’état dans lequel on laissait subsister l’Université n’était pas fait pour mécontenter les catholiques. Ils n’avaient pas non plus le droit de se plaindre qu’on eût imposé des conditions bien lourdes à ceux qui prétendaient jouir de la liberté de l’enseignement. Personne ne voulait que cette liberté fût entière et sans contrôle, et tout le monde était d’accord qu’on devait exiger des maîtres d’institutions libres certaines garanties de moralité et d’instruction. Les projets qui avaient précédé celui de