versité n’exerçait pas ce monopole dans toute sa rigueur; elle laissait vivre à côté d’elle un grand nombre d’établissemens libres qui réunissaient près de 35,000 élèves. Les petits séminaires en comptaient 20,000. Quant à l’Université, 54,000 élèves fréquentaient ses collèges royaux ou communaux. Sa situation matérielle était florissante; le gouvernement la traitait avec égard, elle se croyait sûre de posséder la confiance du pays. En réalité, elle était atteinte de cette blessure intérieure et inévitable que le monopole attache aux flancs des institutions dont il paraît faire la force. On l’avait fort attaquée dans les dernières années du règne de Louis-Philippe, et elle s’était mal défendue. Sa situation officielle la condamnait à beaucoup de réserve. Forcée de ménager les évêques, qui la frappaient sans ménagement, elle n’avait pas la liberté de leur répondre comme elle l’aurait voulu. Il en résultait que les coups de ses adversaires, faiblement repoussés, lui avaient fait plus de mal dans l’opinion qu’elle ne le croyait. La révolution imprévue qui chassa la royauté amena au ministère de l’instruction publique des hommes honnêtes, mais peu expérimentés, qui passaient brusquement des excès et des injustices de la polémique ou des rêveries du cabinet au maniement des affaires. Ils commirent des fautes qu’on leur a bien durement reprochées, et qui ont servi plus tard de prétextes à de cruelles représailles; mais ils eurent au moins la sagesse de ne pas toucher à l’enseignement secondaire. On se contenta, pour faire quelque chose, de changer le nom des collèges et le costume des élèves. Il faut savoir quelque gré au ministre de cette époque de s’en être tenu à ces modifications innocentes. Les gens ne manquaient pas autour de lui qui lui proposaient de tout refaire en un jour : c’était la manie du temps; on lui apportait de tous les côtés des systèmes radicaux pour régénérer l’enseignement français ; il les repoussa courageusement. Aussi répondait-il plus tard à ceux qui lui reprochaient son audace qu’au contraire il avait été timide et réservé. « Croyez-le, leur disait-il, il a fallu quelque fermeté pour résister à des plans de réforme prématurés qui surgissaient de toutes parts! » Malgré cette sagesse de M. Carnot, l’enseignement secondaire n’en ressentit pas moins dès le premier jour les atteintes de la révolution. Le nombre des élèves diminua subitement dans les lycées, ce qui indiquait le malaise général dont souffraient les classes aisées, et peut-être aussi un commencement de défiance qu’elles éprouvaient contre les établissemens universitaires.
La république avait donc été fort peu profitable à l’Université, ce fut pourtant l’Université qui paya pour la république. Le parti réactionnaire, qui se composait des légitimistes et de l’ancienne opposition dynastique, voulut la rendre responsable de cette révolution subite qui trompait tous les calculs et déconcertait toutes les pré-