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lui, tout en lui, et vieillirent doucement dans l’attente du retour prochain du Seigneur, Les autres installèrent à Jérusalem, auprès du temple, dont aucun n’était encore détaché, une petite société dont le seul dogme était la foi en Jésus le Messie, qu’ils avaient vu en sa chair et qu’ils espéraient revoir en sa gloire, — le seul signe d’initiation le baptême, — le seul rite de fraternels et simples banquets de commémoration. Les seules pratiques disiinctives étaient le culte de la pauvreté en commun, le sacrifice de ses biens et de sa personne pour le soulagement des misérables. Les premières recrues furent quelques Juifs pieux ou des prosélytes, petit monde aux yeux des orthodoxes de vieille race.

L’esprit de Jésus était là ; mais y pouvait-on voir le christianisme ? Il était bien sans doute que quelques hommes, unis au nom d’une sainte mémoire, donnassent l’exemple de la pauvreté volontaire, de l’abnégation, et ouvrissent à tous les malheureux les consolations fécondes de la vie intérieure : mais une pareille association semblait encore avoir peu d’avenir. Les circonstances et chez quelques-uns des disciples du lendemain une hardiesse inconnue aux disciples de la veille élargirent et transformèrent la communauté.

Les chefs de l’orthodoxie juive, jaloux à l’excès de l’unité, très défians à l’endroit des mouvemens et des prédications populaires, prirent l’alarme et employèrent les voies de rigueur. Pierre et Jean furent mis en prison, battus de verges, cruellement menacés, s’ils ne restaient en repos. Étienne fut lapidé. C’est la première rencontre du christianisme avec le pouvoir et la première persécution. Il convient de remarquer qu’elle n’est pas à la charge de Rome. Les violences dispersèrent la secte nouvelle sans étouffer ni la foi ni l’ardeur de ses membres. On porta l’Évangile en Samarie, C’était montrer qu’on faisait bon marché des haines séculaires d’Israël. L’action individuelle, plus vive et surtout plus libre, remplaça l’action commune. Pendant que les apôtres, obéissant, suivant une tradition, à la parole du maître, restaient à Jérusalem, quelque peu entravés sans doute par la surveillance des autorités religieuses, de simples fidèles, soustraits par la force des choses à la direction des douze et ne prenant conseil que de leur foi, couraient les provinces voisines, poussaient jusqu’en Syrie, recrutant çà et là des adhérens à la doctrine de Jésus.

Parmi ces ouvriers de bonne volonté et ces intrépides voyageurs qui travaillèrent si puissamment à jeter la semence chrétienne dans le monde, Paul de Tarse tient une place à part. On l’appelle l’apôtre des gentils. S’il n’a pas fait le christianisme, il a fondé, il a commence la société chrétienne. Comparé aux douze, il semble avoir peu d’autorité. Il n’a pas connu Jésus, il n’a pas entendu sa parole. Cette infériorité, il la compense par une ardeur de prosé-