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SAINT PAUL
ET
LA FONDATION DU CHRISTIANISME

Saint Paul, par M. Ernest Renan, 1 vol. in-8o, 1869.

Le lendemain de la mort de Jésus, ni le gouvernement de Tibère, ni la police satisfaite des Juifs, ni la foi quelque peu troublée des compagnons de l’humble victime, ne se doutaient qu’une religion nouvelle était née. Le christianisme semblait sortir de terre quand Néron le frappa l’an 64. Depuis près de trente ans, comme ces fleuves que le sable boit près de la source et qui coulent sans bruit sous le sol, il vivait sourdement, et dans son progrès continu étendait de toutes parts ses mille bras. Les historiens contemporains n’ont pas connu les insaisissables mouvemens qui agitaient les couches inférieures de la société ou ont dédaigné d’en fixer la trace. C’est l’honneur de notre siècle d’avoir découvert qu’il y a plus de poésie, plus de grandeur et de véritable intérêt dans l’histoire des idées et des croyances que dans celle des expéditions militaires, et que la civilisation a plus gagné aux grandes et pacifiques effusions d’idées qu’aux chocs des peuples et aux duels des conquérans.

En mourant, Jésus laissait après lui une petite famille d’amis et de disciples fidèles. De tous, on pouvait dire qu’ils s’étaient moins donnés à une doctrine qu’à un maître. Après qu’ils l’eurent perdu, les uns allèrent ensevelir en Galilée le souvenir de ce temps délicieux pendant lequel ils avaient vécu comme dans un rêve, près de