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même temps que Firon un nommé Rezet, à qui il avait confié un coffret renfermant des billets de banque volés. Rezet, sachant que son ami était arrêté, brisa la boîte et mena joyeuse vie avec l’argent qu’elle contenait. Accusé de complicité par recel, sans qu’il fût question de violation de dépôt. Rezet fut acquitté. Le premier mouvement de Firon arrivé dans son cachot, au moment où l’on allait le revêtir de la camisole de force, fut de la colère. « J’ai mérité mon sort, dit-il; mais qu’est-ce donc qu’un jury pareil? Est-ce que Rezet ne m’a pas volé, moi? Pourquoi donc ne l’a-t-on pas condamné? »

Il est certaines villes privilégiées où parfois la cour d’assises ne siège pas, car nulle affaire n’est inscrite au rôle de la session. Il n’en est point de même à Paris, où le crime est toujours sur pied. En 1868, la cour d’assises de la Seine a jugé 489 affaires qui concernaient 657 accusés, dont 534 hommes et 123 femmes; 143 ont été acquittés et 504 ont été atteints par des condamnations, ils ont entendu prononcer contre eux la peine des travaux forcés à perpétuité ou celle de la réclusion perpétuelle; les autres, selon la gravité des crimes qu’ils avaient à se reprocher, ont eu à se partager 873 années de travaux forcés, 636 années de réclusion et 908 années d’emprisonnement : total, 2,417 années de prison; nul accusé n’a été frappé de la peine capitale. On peut voir avec quel soin et quelle science les débats sont conduits; sur 489 affaires, 100 ont donné lieu à un pourvoi devant la cour de cassation, qui en a rejeté 99. Ainsi une seule décision a été cassée pour vice de formes.


IV.

Pour que cette étude soit complète, il me reste à parler sommairement de la Conciergerie et des dépôts des greffes du tribunal de première instance et de la cour impériale. La Conciergerie, la plus vieille prison de Paris, celle qui avec ses trois tours saillant sur la façade a encore une haute mine féodale, s’appelle la maison de justice, car c’est là qu’on enferme les accusés avant qu’ils ne comparaissent en cour d’assises, et les condamnés avant qu’ils n’aient signé leur pourvoi en cassation. L’ancienne salle des gardes, où l’on pénètre d’abord en franchissant deux fortes grilles et en descendant quelques marches, est extrêmement belle; d’architecture ogivale, soutenue par de fortes colonnes sur le chapiteau de l’une desquelles on peut voir le plus sérieux épisode de l’histoire d’Héloïse et d’Abeilard, très vaste dans ses dimensions, elle a grand air, et rappelle à la mémoire les vieux contes de chevalerie, La prison en elle-même est assez exiguë, car elle ne contient que 76 cellules, qui en temps