Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 82.djvu/869

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’il a choisi. L’accusé est toujours libre de se pourvoir en cassation contre l’arrêt qui le traduit en cour d’assises; mais il est assez rare qu’il use de ce droit, à moins qu’il n’ait un intérêt direct à gagner du temps ou à reculer l’heure solennelle qui le verra paraître devant ses juges. A Paris, où malheureusement les crimes ne chôment guère, la cour d’assises tient deux sessions par mois; or, le même jury ne pouvant siéger qu’à une seule session, on désigne les jurés tous les quinze jours. Cette opération est entourée de garanties, car c’est d’elle que dépend la sincérité des jugemens futurs : 2,200 noms composant les listes annuelles dressées par le préfet de la Seine, inscrits sur autant de bulletins, sont enfermés dans deux urnes scellées « à cire ardente » par le premier président de la cour impériale. En séance publique, celui-ci brise les scellés, agite les urnes et en extrait 40 bulletins; 36 désignent les jurés titulaires, à leurs suppléans: à haute voix, on appelle le nom des personnes à qui incombe l’honneur de faire partie du jury de la session, et chacune d’elles est prévenue à domicile par les soins du préfet de la Seine. Le premier président rend alors une ordonnance qui fixe le jour où les assises devront s’ouvrir. Tous ces longs préliminaires de la justice touchent à leur fin; on a remis au détenu copie de l’acte d’accusation dressé par le procureur-général, formalité nécessaire, mais bien souvent illusoire, puisque, nous l’avons vu plus haut, sur 100 criminels, 81 ne savent ni lire ni écrire; on le rapproche du lieu où il doit être jugé; il quitte Mazas, et il est enfermé à la Conciergerie, qui est « la maison de justice. » Là le président des assises, accompagné d’un des greffiers de la cour, se rend près de lui et lui demande s’il a reçu signification de l’arrêt qui le met en accusation, s’il connaît les faits qui lui sont reprochés, s’il persiste dans ses déclarations et s’il a fait choix d’un avocat. Dans le cas où à cette dernière question il répondrait négativement, le président nomme d’office un membre du barreau pour assister l’accusé pendant les débats et lui servir de conseil. La loi à cet égard est très prévoyante, car, en souvenir des abus commis jadis en France et de l’abandon criminel où les accusés étaient maintenus, elle a inscrit l’article suivant : « l’accusé sera interpellé de déclarer le choix qu’il aura fait d’un conseil pour l’aider dans sa défense, sinon le juge lui en désignera un sur-le-champ, à peine de nullité de tout ce qui suivra. »

La salle où la cour impériale de la Seine tient ses assises est de construction récente : c’est un carré long très vaste et offrant un emplacement suffisant au public, aux témoins, aux avocats, au jury et aux juges. Si on enlevait les bancs, ce serait aussi bien une salle de bal qu’une cour d’assises : de l’or partout, des peintures, une