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On ne procède avec rapidité, il est aisé de le comprendre, que dans certains cas, les plus nombreux fort heureusement, cas délictueux qui n’ont causé à la société qu’un préjudice sans gravité. Lorsqu’un méfait sérieux a été commis, lorsqu’un crime a été découvert, il convient d’aller lentement, de multiplier les interrogatoires, les confrontations, les enquêtes, de façon à dégager la vérité entière et à remettre tous les coupables aux mains de la justice. Dans les vols qualifiés, les faux, les assassinats, c’est la préfecture de police qui, ayant constaté le crime, recueilli les plaintes, interrogé sommairement l’inculpé et fait perquisition chez lui, groupe toutes les pièces probantes, y réunit celles qui sont de nature à éclairer les magistrats, et leur livre le coupable. Le petit parquet informe le procureur impérial, qui, par un réquisitoire prescrivant les poursuites, commet un des vingt juges d’instruction du tribunal de première instance pour faire l’information. Grâce au code d’instruction criminelle, qui fut mis en vigueur le 1er janvier 1811, la route à suivre est toute tracée. Le coupable a quitté le dépôt et a été transféré à la prison de Mazas, où le plus souvent il est au secret et seul dans sa cellule. Cependant, lorsque c’est un être dangereux, que son crime est d’une nature grave, qu’il est soupçonné d’avoir des complices ou qu’il se refuse aux aveux, le directeur de la prison a soin de lui donner un ou deux compagnons, détenus comme lui, mais appartenant à la catégorie des coqueurs, dont j’ai parlé précédemment. Ces hommes-là sont surnommés les moutons ; tout en causant avec l’inculpé, en faisant les bons apôtres, ils tâchent de lui arracher son secret, qui ne tarde pas alors à parvenir aux oreilles de la justice. « Je me moque du curieux, disait un individu accusé de vol en parlant du juge d’instruction; il a beau me retourner, je n’en dirai pas plus que mes pantoufles. » Le propos fut rapporté; on fit visiter les souliers que cet imprudent bavard avait le jour où il entra en prison, et dans une paire de vieilles savates, entre la semelle et l’empeigne, on retrouva 1,500 francs en billets de banque, représentant exactement la somme qu’on l’accusait d’avoir volée.

Toutes les fois que le juge d’instruction veut interroger un détenu, il fait un mandat de comparution. Le coupable, extrait de Mazas en voiture cellulaire, est amené au palais de justice, et enfermé dans une salle spéciale située sous les chambres correctionnelles, et qu’on nomme la souricière. C’est une série de cabanons isolés clos de fortes portes armées de solides serrures, et dont l’aspect général a quelque ressemblance avec les cabines des écoles de natation. Lorsque le moment de comparaître est venu, l’inculpé, surveillé de près par deux gardes de Paris qui ne le