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usages[1]. Emise le 29 mars 1790, la proposition, après avoir été l’objet de discussions approfondies, fut adoptée et convertie en loi dans les séances des 16 et 29 septembre 1791; une ordonnance royale la promulgua le 15 janvier 1792, et un décret du 9 février de la même année la rendit immédiatement obligatoire pour Paris. Depuis, la législation a singulièrement varié sur les questions de majorité et de division des voix. La matière est actuellement réglée par la loi du 9 juin 1853, qui n’exige que la simple majorité pour donner toute valeur à une déclaration. En reconnaissant au jury le pouvoir d’accorder aux accusés ce qu’on appelle le « bénéfice des circonstances atténuantes, » la loi très humaine et très juste du 28 avril 1832 lui a confié de fait le droit d’appliquer la justice, car, s’il ne prononce pas lui-même la peine, il en détermine la portée par son verdict. Le principe en lui-même est excellent. La société lésée délègue par le sort quelques-uns de ses membres qui doivent apprécier le préjudice causé, peser les motifs, examiner les circonstances et, dans le for intime d’une âme livrée à elle-même, prononcer sur le sort de l’accusé. C’est là une admirable institution, et quoiqu’elle n’ait encore été appelée à fonctionner que dans les causes criminelles, elle a déjà rendu d’inappréciables services à la justice, pour qui elle est à la fois un frein et une garantie. Avec ce système, c’est la société elle-même qui devient responsable des actes de la justice, puisque celle-ci est forcée de mesurer le châtiment d’après la conviction exprimée par la conscience publique.

La justice, dont les œuvres sont si multiples, si compliquées, si importantes, n’a pas rencontré d’emblée et sans tâtonnemens son organisation complète. On a fait bien des essais pendant la révolution et le consulat. On multiplia les tribunaux, on tenta de remplacer les magistrats par de simples juges de paix; mais on ne put arriver à rien de satisfaisant. Telle qu’elle est réglée aujourd’hui, la justice est une création de l’empire, et jusqu’à présent elle paraît suffire à tous les besoins. La France est divisée en vingt-huit cours impériales qui ont une cour d’assises dans chaque département, de plus il existe un tribunal de première instance par arrondissement et une justice de paix par canton. La cour impériale a été substituée aux parlemens et à la Tournelle, le tribunal de première instance a pris la place du Châtelet; celui-ci prononce en premier ressort et dans les cas correctionnels, celle-là juge au criminel, en appel et en dernier ressort. Au-dessus du tribunal et de

  1. Dans le principe, l’ensemble des jurés composait le juré, locution vicieuse qui entraînait à bien des confusions. Par un esprit étroit de patriotisme, on repoussait le mot anglais et l’on proposait jurande. Le bon sens populaire a dédaigné ces arguties, et jury a enfin prévalu.