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le roi, évoquant une affaire près de lui, l’ait résolue seul, par sa propre volonté. Dans son intéressant ouvrage, M. Berriat Saint-Prix cite plusieurs ordonnances royales, retrouvées par lui aux archives de l’empire, en vertu desquelles le roi commandait de « pendre et estrangler » certains criminels, comme on fait abattre un cheval vicieux ou un chien enragé.

Les peines infligées correspondaient à cette absence de formes les plus élémentaires; elles étaient naïvement violentes, sans proportion avec les fautes, enlaidies par des raffinemens de cruauté auxquels on serait tenté de ne pas croire, si les preuves palpables n’étaient là. La volonté de mettre l’expiation en rapport avec le crime ne dominait pas seule les esprits de ce temps; il s’y mêlait je ne sais quelle étrange intention d’épuration morale par la souffrance et d’idéal divin qui fit mettre en œuvre les tortures que les prêtres détaillaient lorsqu’ils parlaient de l’enfer. Aussi dans tous ces supplices le feu, comme épreuve ou comme instrument définitif de la mort, joue le principal rôle; il anticipe sur la condamnation éternelle et la commence dans cette vie même. L’homme, dans sa folie orgueilleuse et impitoyable, se substitue à Dieu, et croit se grandir parce qu’il participe à l’œuvre du souverain juge. A y bien regarder, on voit que c’est le culte sans pardon des Juifs, la tradition du Moloch hébreu, qui, maintenus dans la religion, se sont glissés dans la justice. Pendant bien des années, sous les rois les plus différens, au milieu des circonstances les plus diverses, l’usage, — ce grand mot qui a servi d’excuse à tant de sottes barbaries, — persiste. La justice ne veut point amender et ne sait que punir; les lois civiles, les lois criminelles, les lois religieuses, semblent aboutir toutes à la peine sans rémission, à celle qu’on nomme par excellence l’acte suprême de la justice. Cette tradition sans merci pèse sur la France du moyen âge et de la renaissance; Richelieu, Mazarin, Louis XIV, l’acceptent sans hésiter; le XVIIIe siècle, malgré les encyclopédistes, ne peut la briser; la révolution la reçoit tout entière, recule d’épouvante en l’étudiant, mais se laisse dominer par elle, et lègue à l’histoire le souvenir de la terreur.

Des femmes étaient enterrées vives pour des crimes qui aujourd’hui mériteraient au plus quelques mois de prison; tout individu qui faisait « plaies de loy ou plaies de banlieue, » blessures saignantes et ouvertes, était puni de mort; les dénonciateurs calomnieux étaient brûlés; un homme enlève une fille, il a les oreilles coupées et est frappé de bannissement; un autre enlève une femme mariée, il est traîné sur la claie et ensuite décapité. Dans le cas de régicide, la répression devient de la folie. Pierre Châtel et Denize Hazard, père et mère de Jean Châtel, sont forcés d’assister à la