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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 juillet 1869.

Il y a un mois à peine que le corps législatif, récemment élu, se réunissait ; il n’a fait que passer. L’émotion qui a suivi la prorogation est un peu calmée, on est un peu revenu de l’ébahissement causé par cette brusque chute de rideau, et maintenant, au lendemain de cette session interrompue, on se trouve en face d’une situation toute nouvelle qui se résume dans ces quelques faits aussi simples que significatifs : le message impérial accordant une réforme constitutionnelle, la convocation du sénat, qui va se réunir dans deux jours pour enregistrer la réforme, un changement de ministère marquant la fin d’une période.

Depuis vingt ans, on n’avait vu pareille chose. Pour la première fois, nous venons d’avoir une vraie crise, une crise politique et ministérielle déterminée par une évolution d’opinion. Cette crise, nous l’avons vue de nos yeux désaccoutumés de ce spectacle, nous l’avons en quelque sorte touchée de nos mains. Pendant quelques jours, les listes de ministres ont couru le monde parlementaire comme au temps des grandes luttes où l’on marchait à la conquête du pouvoir. Était-ce une illusion ? était-ce une demi-réalité ? On aurait dit que désormais le nom, l’influence, les opinions, allaient peser de quelque poids. De quel côté allait-on pencher ? quels hommes seraient appelés à la direction des affaires, et quelle nuance représenteraient-ils ? Il y avait déjà une certaine nouveauté dans une telle question, qui n’aurait point eu de sens il y a quelques années. Le tiers-parti, subitement grossi et porté en quelque façon par son interpellation, semblait tout près d’arriver au ministère. On entrevoyait des négociations se promenant de Paris à Saint-Cloud, on groupait des noms. Le tiers-parti, à ce qu’il paraît, n’a jamais eu de grandes chances, au moins pour le moment ; il s’est montré difficile en sa qualité de victorieux ; il voulait entrer à rangs pressés dans la place, s’établir en