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vres est une erreur économique ; mais en toutes choses il faut procéder avec mesure. La vente précipitée des biens des couvens a peu profité à l’agriculture, parce que les capitaux ont manqué pour exploiter tant de terres à la fois. La vente des biens communaux n’aurait pas pour le moment de meilleurs effets. Il se peut d’ailleurs qu’une partie notable de ces biens ne puisse être utilisée par la division ; tels sont les terrains de montagnes, qui ne sont bons qu’à porter du bois. L’état, en les aliénant, se priverait des moyens de rétablir les forêts.

Le système protecteur a régné longtemps en Portugal pour les produits du sol comme pour tous les autres. L’importation des céréales et des autres denrées alimentaires était interdite. Sous l’empire de cette législation, les prix subissaient des oscillations énormes. Une loi récente a mis un terme à ce régime en autorisant l’admission des céréales en tout temps avec un droit fixe. On a compris que, pour protéger l’agriculture, il fallait avant tout lui fournir des moyens de transport économiques et lui faciliter l’accès des capitaux. L’établissement d’un ministère des travaux publics en 1852 a donné le signal. 700 kilomètres de chemins de fer sont aujourd’hui en exploitation, 300 se construisent ; 2,500 kilomètres de routes ont été ouverts. Des travaux sont commencés pour améliorer la navigation des rivières et l’entrée des ports. Le Portugal en avait bien besoin, car c’était peut-être le pays de l’Europe qui manquait le plus de voies de communication.

En même temps le gouvernement a fait de louables efforts pour étendre le crédit de la propriété et de la culture. Un système hypothécaire fondé sur la publicité complète de tous les droits et sur l’abolition des hypothèques tacites est en vigueur depuis cinq ans. Une société de crédit foncier s’est instituée, et a déjà prêté plus de 16 millions à la propriété. On cherche à organiser tout un ensemble de banques rurales en s’appuyant sur les institutions de bienfaisance, qui disposent de fonds assez considérables. L’enseignement agricole n’est pas négligé ; il se donne dans un institut supérieur, fondé en 1852, et dans quatre fermes régionales. Des expositions agricoles ont eu lieu avec succès à Porto et à Lisbonne. Ces efforts, il est vrai, n’ont pas encore obtenu de très grands résultats ; c’est que, si rien n’est plus durable que le progrès agricole, rien n’est plus lent. On n’efface pas en un jour les conséquences accumulées de plusieurs siècles.

Le commerce extérieur du Portugal, autrefois si florissant, a reçu deux coups terribles, par les progrès des Hollandais dans l’Inde au XVIIe siècle, et, beaucoup plus près de nous, par la séparation définitive du Brésil en 1823. Après cette dernière crise, le mouvement commercial est resté plusieurs années à peu près nul à cause d’un système douanier presque prohibitif. Depuis que les tarifs ont été remaniés dans un sens plus libéral, il a repris une marche ascendante. Avec la France seule, il a dé-