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est toute végétale. D’après la production comparée des deux pays, la ration moyenne d’un Portugais serait le quart de celle d’un Français en viande et en froment, on n’y supplée qu’imparfaitement par un supplément de maïs, de seigle, de légumes et de fruits. Le vin ne manque pas, mais le laitage fait défaut. Malgré la sobriété proverbiale des peuples méridionaux, ce régime ne suffirait pas, s’il ne venait s’y joindre une assez grande quantité de poisson. La population nationale s’accroît lentement; elle était de 3,200,000 âmes en 1807, elle en a gagné 800,000 en soixante ans; c’est la même progression qu’en France. La moitié environ de la population rurale se compose de propriétaires cultivant eux-mêmes. La plupart se trouvent dans le Minho. La propriété est divisée à l’excès dans cette province, tandis que les trois quarts de la Beïra et de l’Alemtejo appartiennent à de très grands propriétaires.

L’industrie agricole s’exerce d’après quatre systèmes différens, le faire-valoir direct, le fermage, le métayage, le bail emphytéotique, qui paraît assez usité. Le nouveau code civil, promulgué en 1867, établit avec clarté les règles applicables aux différentes espèces de baux, et simplifie les usages confus qui régnaient dans les provinces. M. Rebelle da Silva insiste sur la nécessité d’organiser de bonnes entreprises agricoles en créant une classe de fermiers instruits et riches. Malheureusement la plupart des propriétaires ignorent encore qu’il n’y a pas de culture prospère avec des fermiers pauvres. C’est la petite culture qui domine. La grande n’est pourtant pas inconnue. Un voyageur français qui parcourait le Portugal en 1861, M. Lesage, en donne un exemple frappant. « Un seul fermier, dit-il, car ce sont des fermiers qui prennent souvent à bail plusieurs propriétés, emploie à ses travaux 100 charrues. Il récolte 6,500 hectolitres de froment, autant de mais, de 1,000 à 1,500 hectolitres d’orge, de fèves, de haricots, de 500 à 1,200 hectolitres d’huile, 4,100 de vin. Il compte dans ses troupeaux 1,000 bêtes à cornes presque sauvages, 200 autres tenues en domesticité, de 3 à 4,000 bêtes à laine, de 500 à 800 porcs, 300 animaux de la race chevaline. Ses domestiques sont au nombre de 200. » Cet exemple donne une idée du degré que peut atteindre l’industrie agricole en Portugal. M. Rafaël José da Cunha, dont il est ici question, a été plus loin que d’autres dans la carrière; mais il avait des précédens. Les machines agricoles commencent à s’introduire. Dans les terres louées à la compagnie des Lezirias (alluvions du Tage), qui forment un domaine de plus de 3,000 hectares divisés en trois fermes, on emploie, dit-on, avec fruit les plus coûteux engins de la culture anglaise. La petite culture reste fidèle, comme partout, aux instrumens les plus élémentaires.

M. Rebelle da Silva reproche à la grande propriété son peu de goût pour la vie rurale. Il déplore que la riante vallée du Tage, les bords délicieux du Mondego, chantés par Camoëns, les sites pittoresques de la ré-