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le Portugal aura fait un grand pas, le plus grand peut-être qu’il puisse faire. La culture des arbres n’exige ni beaucoup de capitaux ni beaucoup de bras, et c’est une des plus riches, soit par elle-même, soit par les conséquences qu’elle entraîne, surtout dans les régions méridionales. Les autres cultures réussissent difficilement sur un sol déboisé; le boisement au contraire apporte avec lui la fécondité non moins que la beauté. Tout s’anime et se vivifie sous l’influence des forêts; les sources naissent, la verdure s’étend, le sol se reforme, l’air s’épure, les animaux se multiplient, l’homme peut vivre et prospérer. Les anciens le savaient comme nous. Que demande avant tout Virgile dans ses rêves de poésie champêtre? L’ombre immense des grands bois; il invoque les dieux forestiers et les nymphes leurs compagnes,

<poem>Panaque, Sylvanumque senem, nymphasque sorores.

La population actuelle du Portugal s’élève à 4 millions d’âmes (3,987,000), ce qui donne une moyenne de 44 habitans par 100 hectares. La France en ayant 69, la population spécifique du Portugal égale les deux tiers de la nôtre. La répartition entre les districts présente les contrastes les plus tranchés. Le district de Porto a une densité de population qui rivalise avec celle de la Belgique (164 habitans par 100 hectares). La province d’Alemtejo tout entière est au contraire un des pays les plus déserts de l’Europe (15 habitans par 100 hectares). Tout est mouvement et activité dans le nord, tout est silence et solitude à l’autre extrémité du territoire,

La population rurale forme les trois quarts environ du total. S’il était vrai que la culture s’étendît seulement sur 2 millions d’hectares, cette population serait, relativement au sol cultivé, de 150 habitans par 100 hectares, proportion extraordinaire qui ne se retrouve pas dans les pays les plus peuplés. En France, la population rurale est de 50 têtes par 100 hectares de la superficie correspondante. Quelle que soit l’étendue réelle du sol cultivé, la population rurale du Portugal est évidemment excessive pour cette étendue; elle gagnerait à se répandre plus uniformément sur l’ensemble du royaume. Comment décider les laborieux habitans du Minho, au lieu de s’entasser les uns sur les autres, à coloniser de proche en proche les solitudes de l’intérieur? Jusqu’à présent, ils aiment mieux émigrer au Brésil que dans les provinces reculées de la mère-patrie ; la vieille tradition du Portugal n’a pas perdu sa puissance. C’est aux propriétaires des sols délaissés qu’il appartient d’attirer par des conditions meilleures de nouveaux cultivateurs.

Les populations rurales du Portugal, dit M. Rebello da Silva, sont en général peu robustes, indolentes et apathiques. Le manque d’alimentation et les miasmes paludéens atténuent leur vigueur; leur nourriture