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6 millions de francs, et fournissent à l’intérieur à une consommation immense. On voit que le Portugal doit surtout compter sur l’exportation pour l’écoulement de ses principaux produits; c’est le sort commun de ces petits états qui n’ont pas en eux-mêmes de débouchés suffisans.

Le déboisement est le plus grand fléau du pays. Même en triplant, en quadruplant l’étendue donnée aux bois par l’Abrège d’économie rurale, on arrive à un total insignifiant. Cette destruction de la surface boisée a des inconvéniens de toute sorte. Outre qu’on y perd un revenu considérable, elle rend capricieux et irrégulier le régime des eaux, détermine des inégalités dans le climat et contribue à l’insalubrité de quelques parties du territoire. On ne peut pas estimer à moins de 2 millions d’hectares l’étendue qu’il serait utile de mettre en bois. C’est l’entreprise qui appelle le plus les efforts du gouvernement. Le roi Denis, le colonisateur par excellence, a donné un grand exemple il y a six cents ans : il a planté près de Leïria une forêt de pins qui est encore aujourd’hui magnifique, et qui, bien que dévastée par un incendie, s’étend sur une superficie de 10,000 hectares. Le roi dom Fernand, père du roi actuel, a voulu imiter ce brillant modèle; il a formé dans le parc de son château de Cintra une superbe collection de toutes les variétés d’arbres verts.

Un membre de la commission de statistique agricole, M. Venancio Deslandes, chargé, il y a quelques années, d’une mission spéciale dans les pays étrangers, a publié à son retour un excellent rapport sur l’enseignement forestier. Il proposait rétablissement d’une école forestière dans l’ancien couvent de Bussaco, près Coïmbre, célèbre par la beauté de son bois de cèdres et de cyprès; ce projet n’a pas encore reçu d’exécution. Par la diversité de ses climats, le Portugal peut cultiver toutes les espèces d’arbres, celles des pays les plus froids comme celles des pays les plus chauds. Le chêne-liège surtout peut y être l’objet d’une exploitation fructueuse. Cet arbre précieux donne un double produit; il nourrit avec ses glands des légions de porcs et fournit par son écorce un élément d’exportation; le liège du Portugal arrive maintenant en France et dans le reste de l’Europe. Joignez-y le châtaignier, si répandu en Corse et en Sicile, le noyer, qui donne des fruits en abondance, et toutes les essences forestières des deux mondes, résineuses ou non. Quand l’état ne boiserait que cinq ou six mille hectares par an, il serait probablement suivi par les grands propriétaires et par les communes.

Les voyageurs sont unanimes pour dire que les arbres de toute espèce viennent merveilleusement en Portugal. Ce qui manque le plus au pays est ce que le sol produit le mieux. On admire surtout la splendide végétation de Cintra, vantée par lord Byron, encore plus éclatante aujourd’hui que du temps de Childe Harold. Le bananier y pousse auprès de l’épicéa, le palmier à côté du chêne; les conifères y prennent rapidement des proportions gigantesques. Que cette belle exception se généralise, et