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l’engraissement. Depuis quelques années, l’exportation de ces bestiaux gras pour l’Angleterre devient assez active. Dans le reste du littoral et des montagnes, des assainissemens de marais ou des travaux d’irrigation peuvent fournir les moyens de créer de nouvelles prairies, A mesure qu’on avance vers le sud, les prairies naturelles disparaissent. Le Portugal possède une plante fourragère qui lui est propre, la serradelle; on y cultive aussi la luzerne avec succès, mais sur de faibles étendues. Il faudrait décupler au moins les prairies artificielles pour que l’augmentation des fourrages fût sensible, et ce n’est pas une petite affaire.

Quoique le sud ait bien peu d’animaux, une meilleure culture devrait commencer par en diminuer le nombre. Il faudrait d’abord supprimer autant que possible l’animal vagabond et destructeur par excellence, la chèvre; cette révolution rencontrera longtemps de grands obstacles dans les habitudes de la population. La dépaissance des moutons eux-mêmes fait beaucoup de mal pour peu de profit. Ces moutons donnent peu de viande et de laine, leur fumier se perd dans les pâturages. Les cochons sont excellens; mais le nombre en est limité par la nature de leur régime : ils se nourrissent de glands qu’ils ramassent eux-mêmes. La production des chevaux est en décadence. On les remplace par des mulets et surtout par des ânes. Dans les trois quarts du territoire, les abris même manquent aux animaux, et, pour les faire passer de la vie sauvage à la vie domestique, il faut tout changer.

Le froment est la céréale qui occupe le moins de place; il est dépassé par le maïs et surtout par le seigle, qui domine dans la région montagneuse. Le froment ne donne en moyenne que 8 hectolitres à l’hectare, le seigle produit moins encore, 6 hectolitres seulement. Dans tous les pays qui ressemblent au Portugal, on obtient rarement un rendement supérieur. L’abondante production des céréales est liée par un enchaînement étroit à la multiplication du bétail ; pour que les étendues ensemencées s’accroissent, pour que les rendemens s’élèvent, il faut que les prairies artificielles et les racines s’étendent parallèlement. Presque tout le froment récolté vient dans l’Alemtejo, qui pourrait être et qui sera un jour le grenier du Portugal ; mais que de temps et de capitaux pour défricher ces landes immenses ! On n’évalue la récolte d’orge qu’à 700,000 hectolitres; l’avoine réussit encore moins. Le maïs est le grain le plus avantageux, il donne 18 hectolitres par hectare. C’est la zone maritime qui le produit. On a cherché un supplément de céréales dans la culture du riz ; l’expérience a prouvé que cette culture est une cause redoutable d’insalubrité. Les rizières se trouvent pour la plupart dans les environs de Lisbonne, on demande avec raison qu’elles soient abandonnées. Les légumes secs offrent une ressource dont on ne tire peut-être pas assez grand parti : c’est un produit qui réussit parfaitement et qui joue un grand rôle dans l’alimentation populaire.